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dieu

  • QUEL COMBAT POUR JACOB ?

     

    Le chapitre 32 de la Genèse met d'abord en scène les préparatifs de la rencontre entre Jacob et son frère Esaü, Jacob a peur, il prie Dieu et prépare des cadeaux pour apaiser Esaü

    Délivre-moi, je te prie, de la main de mon frère, de la main d'Ésaü! car je crains qu'il ne vienne, et qu'il ne me frappe, avec la mère et les enfants....    Il donna cet ordre au premier [serviteur] Quand Ésaü, mon frère, te rencontrera, et te demandera: A qui es-tu? où vas-tu? et à qui appartient ce troupeau devant toi?  tu répondras: A ton serviteur Jacob; c'est un présent envoyé à mon seigneur Ésaü; et voici, il vient lui-même derrière nous.   Gn 32, 11-18

     Jacob se prépare à passer le gué lorsque il rencontre « un homme » avec qui il lutte

     Il se leva la même nuit, prit ses deux femmes, ses deux servantes, et ses onze enfants, et passa le gué de Jabbok.  Il les prit, leur fit passer le torrent, et le fit passer à tout ce qui lui appartenait.  Jacob demeura seul. Alors un homme lutta avec lui jusqu'au lever de l'aurore.

    Voyant qu'il ne pouvait le vaincre, cet homme le frappa à l'emboîture de la hanche; et l'emboîture de la hanche de Jacob se démit pendant qu'il luttait avec lui.  Il dit: Laisse-moi aller, car l'aurore se lève. Et Jacob répondit: Je ne te laisserai point aller, que tu ne m'aies béni.

      Il lui dit: Quel est ton nom? Et il répondit: Jacob.  Il dit encore: ton nom ne sera plus Jacob, mais tu seras appelé Israël; car tu as lutté avec Dieu et avec des hommes, et tu as été vainqueur.  Jacob l'interrogea, en disant: Fais-moi je te prie, connaître ton nom. Il répondit: Pourquoi demandes-tu mon nom? Et il le bénit là.  Jacob appela ce lieu du nom de Peniel: car, dit-il, j'ai vu Dieu face à face, et mon âme a été sauvée.  Le soleil se levait, lorsqu'il passa Peniel. Jacob boitait de la hanche.  Gn 32, 22-31

    1 Jacob_Wrestling_with_Angel_Eugene_Delacroix.jpg

     

    L'immense tableau (7,5 m x 4,5 m) d'Eugène Delacroix, peint entre 1859 et 1861 dans l'église St Sulpice à Paris,  rend assez bien compte du texte : les troupeaux et la famille passent le gué, le soleil se lève et Jacob combat un personnage qui lui tord la hanche. Le fait que "l'homme" du texte devienne un ange est traditionnel et se justifie par le fait que "l'homme" dise "tu as lutté avec Dieu"

     


    Le combat oppose un ange qui exerce une  force tranquille, bien équilibré sur ses pieds, face à un Jacob qui semble au bout de son effort, arc bouté et donnant une dernière poussée.

    C'est le moment où l'ange lui tord la jambe. Tricherie de l'ange contre Jacob, le tricheur invétéré, qui cette fois combat loyalement ?

     

     

     

     

     

    Il combat loyalement, il est désarmé et dévêtu. Il a déposé ses armes au sol: flèches, épée et 3 -Lutte_de_Jacob_avec_l'Ange.jpglance (toujours menaçante ?). Il a posé ses vêtements, dont les couleurs et le chapeau devaient le faire ressembler au cavalier de droite (est ce son double ? celui qu'il aurait pu être s'il n'y avait eu cet ange, lui barrant la route ?), couvert d'une peau de lion, est-il redevenu nu et sauvage ? ou est il un nouvel Hercule, celui qui lutte contre le mal pour sauver l'humanité souffrante ? une image quasi christique.

     

     

    Le contraste entre lumière et ténèbres est saisissant. La voûte du ciel est noire, par les arbres, les ténèbres descendent jusqu'au sol, l'ange est du côté des ténèbres et ses ailes sont elles aussi, noires, à l'inverse la lumière de l'aurore inonde le gué où passent troupeaux et gens, au premier plan mais aussi au fond à gauche. La lumière soutient l'effort de Jacob, elle sembe le pousser en avant, pour repousser les ténèbres. Jacob combattrait-il les ténèbres ? un démon ? Delacroix dans son commentaire, dit simplement : " cette lutte est regardée, par les livres saints, comme un emblème des épreuves que Dieu envoie quelquefois à ses élus."

     

     

    4 Rembrandt 1659.jpg

     

    Rembrandt en 1659 donnait une image totalement différente de ce combat. (Staatliche Museum, Berlin)

    Le contexte est complètement abandonné, l'ange est vêtu de blanc, il est féminin et il a les bras largement ouvert, de Jacob on ne voit que le dos, il a un visage serein , les yeux clos, dort-il ? rêve-t-il ?   est-il en extase ? ou au contraire tellement tendu par son effort ?

     

    L'ange et Jacob enlacés dans la lutte ? dans une relation qu'on pourrait voir comme amoureuse entre un homme et une femme, mais aussi entre une mère et un fils ,  comme Marie et Jésus lors d'une déposition de la croix  ? une nouvelle Piéta ?

     

    Le seul élément qui rappelle le combat est le mouvement de la jambe de l'ange contre la hanche de Jacob, c'est plutôt la fin du combat, le moment de la bénédiction. Jacob sort de l'épreuve grâce à la persistance de sa foi, la grâce de Dieu lui est accordée. Et nous ne sommes pas vraiment spectateurs, nous sommes placés derrière jacob, invités à le suivre dans son mouvement et sa démarche.

     

     

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    Avec cette aquarelle de Gustave Moreau (1879, Musée G.Moreau à Paris) nous sommes dans une toute autre posture. Jacob combat mais qui ? un être réel ou un fantôme ? lui même ou son démon intérieur? L'ange, figure féminine longiligne, le regarde avec indifférence ou sarcasme ? Est-elle prête à l'aider ou à le contrer ? la lumière ne vient pas de l'astre visible à droite, mais de la gauche, elle illumine l'ange et aveugle Jacob.

     

    Jacob est un adolescent viril et fougueux, mais il porte aussi quelques objets caractéristiques: un grand chapeau, un manteau sur l'épaule, une calebasse qui sert de gourde, un bâton à ses pieds... tous les éléments du bon pélerin. Il est au sommet de la montagne, le lieu de la rencontre avec Dieu, son voyage s'achève-t-il par cette rencontre attendue ou surprenante ?

     

     

    Trois façons de voir le combat de Jacob et de l'ange, chacune donne une dimension particulière à un texte qui ne s'épuise dans aucune interprétation.

    D'autre images sont plus ou moins proches, vous pouvez en voir quelques unes dans l'album ci-contre.


  • GENESE 3 - QUEL SACRIFICE ?

    Je publie ici des éléments dont je me suis servi lors d'une séance du groupe biblique de l'ERF de Fontainebleau, animé par Odile ROMAN-LOMBARD, pasteure. D'autres pages seront publiées à l'occasion des prochaines rencontres.

    SACRIFICE D'ABRAHAM OU SACRIFICE D'ISAAC ?

    QUELLES APPROCHES DU SACRIFICE PEUT ON FAIRE A PARTIR DE QUELQUES OEUVRES PICTURALES

    1 1635 Hermitage.jpg

    REMBRANDT (1635) Musée de l' Hermitage, St. Petersbourg

     L'ange de Dieu fait irruption au dernier moment et il sauve une victime passive et innocente.

               L'œuvre rend assez bien compte du texte, seul le bélier est absent, mais non seulement l'Ange parle (main levée) mais surtout il agit. Abraham est brutalement arrêté dans son geste de sacrificateur.

                Isaac est violemment éclairé, il est placé sur une diagonale montante, positive, alors que celle d'Abraham est négative, vers le bas et qu'il est dans l'ombre. Il a caché la tête de son fils, pour ne pas le voir, il a peur de son regard, et c'est le regard de Dieu qu'il rencontre.

               C’est un dévoilement : la victime est innocente, elle est reconnue par Dieu et sauvée par Lui seul. Le spectateur reste extérieur, nous   assistons à une sorte de jugement .

                          


    2 1603 LC Florence.jpg  LE CARAVAGE   1603 Galerie des Offices, Florence

     

    Cette peinture est antérieure à celle de Rembrandt qui s'en est inspiré, mais il me semble que la place d'Isaac dans le sacrifice est encore plus importante.

    Un instantané comme le précédent mais surtout  un cri dramatique dans un paysage calme. Un mouvement suspendu, marqué par le triangle fermé des 3 visages. Deux diagonales descendantes convergent vers Isaac, il n'a pas d'avenir, mais le doigt de Dieu peut faire sortir de ce triangle de mort, il montre une sortie possible.

    Tout est dans la liberté d'Abraham, il peut poursuivre son geste ou l'arrêter. il semble réfléchir.

    Dieu n'intervient pas du haut du ciel, il intervient au niveau de l'humain, il est si proche de la victime innocente qu'il lui ressemble (le peintre a pris le même modèle). Il se reconnaît en elle et invite l'homme à le sauver.

    Quant au spectateur il est directement impliqué: Isaac le regarde et l'appelle au secours, nous sommes appelés à agir.

     

    La portée christique est évidente,  reconnaître Dieu en son fils innocent. Et en cela cette oeuvre poursu3 Rouen - BM - ms. 3028 1520.jpgit une tradition. Jésus est la victime qui marche vers la mort suivant la volonté de son Père,comme Iaac il porte le bois du sacrifice.

      XIVème Rouen  - BM - ms. 3028 1520


     

    4 Dijon - BM - ms. 0562 XIII.jpg

            

                  XIIIème Dijon - BM - ms. 0562

    La vision traditionnelle est christique :

    la scène se lit comme une BD mais du bas à gauche vers le haut à gauche. 

    C'est bien le sacrifice d'Abraham, un couteau à la main, indique à son fils la direction à prendre. L'enfant chemine devant lui en portant le fago.  Abraham, en vêtement couleur de deuil, s'apprête à sacrifier Isaac

    Mais Isaac est trop grand par rapport à l'autel (il n'est pas la bonne victime). L'animal désigné est une  préfiguration christique : l'absence de cornes, le fait que l'animal se détourne de son bourreau dans un geste caractéristique de la fuite (il souhaite éviter le supplice, comme le Christ à Gethsémani)

    Chaque étape de la Passion de Jésus trouve sa préfigure dans le sacrifice d'Abraham.

    5 Rouen - BM - ms. 1139 XV.jpg

     

    XVème Rouen - BM - ms. 1139 XV

    Deux siècles plus tard, que de changements. L'innocence est mise en avant, l'ange arrête l'épée comme les mères essaient d'arrêter celles des soldats dans le massacre des Innocents.

    Le Père est brutal, il ignore l'agneau qui est devant lui et qu'il pourrait sacrifier.

    Isaac est une victime consentante, il n'est pas attaché, il prie... il devient une figure christique par sa soumission, sa piété filiale, alors qu'Abraham semble condamné pour infanticide.

     C'est déjà le sacrifice d'Isaac. 

    voir Le sacrifice d'Abraham dans quelques représentations de la fin du Moyen Age par Christiane Raynaud, Journal of medieval history, vol. 21, September 1995, Pages 249-273

     

    On pourrait dire que Le Caravage est un aboutissement et qu'il apporte une nouvelle vision christique: Isaac n'est pas seulement la préfiguration du Christ mais de toute victime qui rejoint le Christ. C'est la fin d'une vision sacrificielle, tout est meurtre et tout meurtre est arrêté par Dieu. Mais le dire ainsi est sans doute trop moderne.

    7 chagall.jpg

     

    Chagall reprend une mise en scène classique mais les victimes sont de tous les temps, Isaac, Jésus, les victimes des pogrroms...

     

     

    http://www.musee-chagall.fr/

     

     

     

    8 Alan Falk 2002.jpg

     

          Quant à cette vision d'Alan Falk (peintre anglais né en 1945, travaillant aux EU), elle montre que le dilemme d'Abraham est aussi ou d'abord celui de notre conscience. 

     

    http://www.alanfalk.com/

    The Binding Of  Isaac (The Akedah)'  2002