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Livre

  • LES DISCIPLES D'EMMAUS

     

    Queiques remarques

    Cet article est aussi publié sur http://artbiblique.over-blog.com/ avec newsletter possible

    La scène correspond à l'évangile selon Luc ch. 24, versets 13 à 15 et 28 à 35

    Le troisième jour après la mort de Jésus, deux disciples faisaient route vers un village appelé Emmaüs, à deux heures de marche de Jérusalem, et ils parlaient ensemble de tout ce qui s’était passé. Or, tandis qu’ils parlaient et discutaient, Jésus lui-même s’approcha, et il marchait avec eux. Mais leurs yeux étaient aveuglés, et ils ne le reconnaissaient pas....

    Quand ils approchèrent du village où ils se rendaient, Jésus fit semblant d’aller plus loin. Mais ils s’efforcèrent de le retenir : « Reste avec nous : le soir approche et déjà le jour baisse. » Il entra donc pour rester avec eux. Quand il fut à table avec eux, il prit le pain, dit la bénédiction, le rompit et le leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent, mais il disparut à leurs regards. Alors ils se dirent l’un à l’autre : « Notre coeur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route, et qu’il nous faisait comprendre les Écritures ? » A l’instant même, ils se levèrent et retournèrent à Jérusalem. Ils y trouvèrent réunis les onze Apôtres et leurs compagnons, qui leur dirent : « C’est vrai ! le Seigneur est ressuscité : il est apparu à Simon-Pierre. » A leur tour, ils racontaient ce qui s’était passé sur la route, et comment ils l’avaient reconnu quand il avait rompu le pain.

    Lla traduction iconographique de la reconnaissance du Christ ressuscité par  les disciples prend la forme de REGARDER opposer à voir VOIR c'est à dire reconnaître.

                La  relation à la dernière Cène et à l'eucharistie est imortante, elle se traduit par les gestes du Christ,  bénir, rompre, élever,tendre le pain  et par son regard, les yeux levés au ciel s'imposent souvent dans un contexte de  sacerdotalisation. Mais les représentations sont très variées, de la communion eucharistique à la scène de genre.

                 Les disciples sont traditionnellement vus comme des pèlerins, d'où des signes distinctifs souvent liés au pélerinage de St Jacques

     

    Jésus se donne à voir, comment identifier le Christ ?  

     

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      LE CARAVAGE

    Cette oeuvre éxécutée à Rome en 1601, Huile et oeuf sur toile 141 x 196.2 cm.
    Londres, National Gallery

     

    XR au visage et à l'âge non conventionnel, « Mc 16,12 « il se manifeste sous une forme différente »
    Il est seulement ambigu. La mollesse des traits le situe hors de la distinction masculin-féminin qui nous est si chère, plutôt dans l'idée de l'androgénie divine. L'absence de la barbe traditionnelle, jointe à des bajoues, le met hors de la distinction entre vieillesse et jeunesse, sans lui donner le caractère que nous attribuons généralement au jeune homme, l'énergie vitale. Christ ambigu et, pour des chrétiens habitués à un certaine image du Sauveur, à des signes d'identification, c'est un Christ non reconnaissable.
    Une représentation qui a choqué ou ému ses contemporains, troublés par cette proximité du divin et de l'humain.

      Le Caravage choisit le moment où tout bascule

    La stupéfaction se lit sur les visages et dans les attitudes des pèlerins et de l'aubergiste, venu les rejoindre. Sous l'effet de la surprise, l'un des disciples empoigne son fauteuil, l'autre écarte les bras, le réalisme est tellement saisissant que le spectateur a l'impression de participer à la scène.

    Quelle reconnaissance ? Le cabaretier, lui, fixe Jésus et ne voit rien d'autre qu'un hôte de passage

    L'ombre de l'aubergiste est sur le mur, juste  derrière le Christ , comme s'il prenant les ombres sur lui, signe de rédemption ?  

     La Cène eucharistique est associée à la croix des bras du disciple de droite, par l’intermédiaire d’un raccourci accusé, le Caravage parvient à relier plastiquement la Crucifixion et la Cène à Emmaüs.

     

    Reconnaître le ressuscité est plus facile chez d'autres

    Ce tableau de Cavarozzi 1590 1625 est une copie du Caravage pour les poses, mais il choisit un Christ sortant du tombeau   1 D cavarozzi

     

     

    Celui de Girardet 1853-1907 crée une lumière divine

     

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    Mais chez Zurbaran 1598 1664 le Christ est un pèlerin comme les autres, seuls les yeux de la foi le reconnaissent

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     Le regard de la foi 

     

     

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    REMBRANDT 

     Jésus à Emmaus 1628 Jacquemart André

     OEuvre de jeunesse avec mouvements et clair obscur

    C’est une révélation, un moment où la vérité éclate. Cela se montre par la stupeur des pélerins, leurs yeux écarquillés, leurs poses à la renverse, leurs mains levées en incrédulité ou en défense contre ce mystère;
    l’agitation de la scène y contribue, verre vacillant, couteau basculant, chaise renversée. Ici, un seul des pélerins est vraiment dans la scène,  en pleine lumière, tout effaré.
    Où est l’autre ? En regardant bien, on le voit, déjà touché par la grâce, agenouillé aux pieds de Jésus, perdu dans l’ombre.

    La lumière vient de derrière le Christ, qui n’apparaît presque qu’en silhouette; le mur en devient éclairant, comme une explosion. Et il y a cet étrange nuage blanc mousseux dans l’angle derrière le bras gauche du pélerin, inexplicable.


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      Le Christ se révélant aux pèlerins d'Emmaüs 1648 huile sur bois 68x65 Musée du Louvre

    Cette oruvre vient d'être retaurée, à gauche avant restauration, à droite après restauration

     

    Une scène qui s'inscrit dans un espace clos mais vaste, ouverture vers le ciel.

     C'est le tout début du repas, la table est vide. Il rompt le pain…une clarté irréelle nimbe son visage, tandis que sur la gauche, une lumière tombant d’une fenêtre invisible éclaire sur la table la nappe blanche qui rappelle le suaire, le linceul de Jésus crucifié, retrouvé posé au troisième jour près du tombeau vide…

     

      Le Christ est éclairé mais rayonne, il partage le pain sur nappe d'autel Sa figure livide, douloureuse, d’un réalisme poignant, rappelle qu’il vient de triompher de souffrances inexprimables et de la mort, évoquée par certains détails symboliques comme le verre vide retourné à sa droite, et  le crâne brisé d’un agneau, symbole de la mort de « l’Agneau de Dieu », présenté sur le plat à sa gauche.

     Les disciples sont opposés : à Droite, la surprise, l'incrédulité encore qui se manifeste par tout le corps

    à Gauche, la reconnaissance par le foi, il se met en prière. Au fond le serviteur, regarde et ne voit rien. 

      La réalité est cachée à celui qui n'a pas la foi, lecture protestante ?

    Le contraste entre l’évanescence de l’auréole sur l’ombre verdâtre de la niche du fond  et la lumière naturelle qui s’attarde sur les visages, les objets, creusant un clair-obscur avec les tonalités dominantes d’un brun sombre, crée cet instant indéfinissable, et comme suspendu, où la scène représentée va basculer de l’humain au divin.

       Les disciples

     

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     VELASQUEZ  Repas à Emmaus MET New York (123.2 x 132.7 cm) Huile sur toile 1622


      On retrouve le Caravage avec sa rhétorique théâtrale, les  bras écartés et la lumière crue

     

     Que regardent les personnages ? 

    Les disciples ne regardent pas Jésus , l'écoutent ils ? A t il disparu ?

    Dans leurs  yeux le contact avec la transcendance ne s’avère pas immédiat.  

     Les personnages posent une question  douloureuse  en cherchant des réponses au fond d’eux-mêmes.

     Le Christ est résolument décentré, avec une lumière de face, un  visage en mi pénombre, une légère auréole

    Les disciples sont des figures populaires selon sacralisation du quotidien


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      La Mulâtresse National Gallery de Dublin 1616-19

    Tableau nettoyé en 1933 laisse voir disciples Emmaus, il a été coupé et on a supprimé un disciple et un fourneau (connu par la description d'un contemporain)

      Le sujet est rejeté à arrière plan, on retrouve la sacralisation du quotidien. 

    Les disciples ont été aveuglés, ils sont devenus insensible au divin, à cause de l'amour des biens terrestres

    le spectateur peut s'identifier à cette conversion des disciples et retrouver Dieu dans le quotidien, selon le mot de Thérèse d'Avila  « Dieu est aussi présent parmi les casseroles »

    Faut il aller jusqu'à econnaître Dieu à travers ce « sujet fort ridicule et drôle », une servante, une esclave?  

     

    Rencontrer Dieu dans le quotidien ou Comment incarner cette scène : ?

     

      En la situant dans la vie quotidienne des hommes ?  mais s'ils regardent , voient-ils ?

                                                                                                                Jordaens 1593 1678  

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    En mélangeant scène profane et allusion religieuse, en sacralisant le quotidien frères Le Nain + 1648 Louis ou Antoine Le Nain Repas de paysans 1642 97x122 Louvre


    12-les-freres-LE-NAIN----.-1645.jpg   13 Louis Le Nain 001

     

      En actualisant les participants Augustin Lhermitte 1844 1925

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      En mèlant le sacré et le profane (bouteille de vin)  chez  Arcabas né 1926 

     

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  • ANNONCIATION A MARIE

    Je poursuis la publication du travail fait dans le cadre du groupe biblique de la paroisse réformée de Fontainebleau (voir ci-dessous, la page du 17 octobre sur Genèse 3 Quel sacrifice ?)

     

    L'annonciation à Marie dans l'évangile selon Luc est un texte très connu (Luc 1 ,26-38) mais lorsqu'on demande à quelqu'un de le restituer de mémoire, on s'aperçoit que le résultat est bien appauvri. C'est un peu ce qui était proposé à travers quelques images picturales de l'Annonciation. Quel récit ces images vous suggèrent elles ?

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    Cette huile sur bois d'Antonello da Messina date de 1476, elle est intitulée, "Annunziata"

    Le titre surprend car pour tous, l'Annonciation suppose la présence de l'ange Gabriel. Ici il est absent ou hors champ.

    La scène se passe dans un lieu indéterminé, Marie lit et soudain elle voit, ressent... la présence de quelqu'un, elle ferme alors son voile avec sa main gauche, par pudeur, elle cesse sa lecture et lève les yeux.

    Il y a donc bien une présence, Marie ne nous regarde pas elle fixe son regard vers la gauche, un peu en bas, que voit elle ? un ange ? qui est à genoux ? ou a-t-elle simplement le sentiment, la sensation d'une présence ? Ses yeux sont songeurs.

    Marie est surprise, mais le geste de sa main droite peut être interprété de plusieurs façons: trouble, étonnement, appréhension... devant ce qu'elle voit ou par rapport à ce qu'elle entend ? on peut aussi voir sa bouche prête à s'ouvrir pour parler.

    Ce petit tableau de dévotion (45 x 34 cm) veut rendre compte de l'évènement à travers les sentiments de Marie. Le récit que nous sommes amenés à faire est psychologique.

     

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     Plus de 400 ans plus tard on trouve cette même recherche dans  cette huile d'Henri Tanner, (Annonciation, Musée des Arts de Philadelphie)

     Cette fois, le récit est situé dans un cadre culturel, une chambre close, un univers "oriental" avec tapis, tenture, voûtes...

    Un récit qui précise l'heure aussi, c'est la nuit, Marie dormait, le lit est témoin d'un sommeil agité, elle s'est réveillée et a passé un peignoir, signe de pudeur comme le voile refermé du tableau précédent.

    Marie regarde-t-elle la colonne de lumière, de feu ? non ses yeux sont dans le vague, elle semble plutôt méditer sur cette présence. Elle ne manifeste ni surprise (elle est passée), ni crainte, ses mains expriment la concentration, une joie intérieure et un grand respect... elle est à l'écoute de Dieu.

    Et l'ange ?  ici la colonne de feu évoque la présence de Dieu auprès de Moïse pendant la nuit (Exode 13, 21), une théophanie qui vaut bien celle d'un messager (ange de Dieu), traditionnellement un homme vêtu de blanc. Cette colonne est-elle réelle ou vision intérieure ? Marie, la voit, la sent, l'écoute et va y répondre, nous sommes toujours dans la tradition des peintres qui veulent rendre une narration psychologique.
    Précisons simplement que cet Henri Tanner (1859-1957) était un noir américain , fils de pasteur méthodiste, qu'il connaissait Tanger, et que le modèle de ce tableau, est sa future femme, une jeune fille blanche.

     

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    Retour au XV ème s. avec cette Annonciation de Rogier van der Weyden (Musée du Louvre)

    Cette fois nous sommes dans la chambre d'une belle demeure flamande, une chambre stricte, bien ordonnée, avec ce grand lit ouvert mais non défait, surmonté d'une image pieuse.

    Marie est saisie dans son intimité, elle a les cheveux défaits, elle est vêtue sobrement, elle est à genoux, occupée à lire comme les jeunes femmes pieuses de la devotio moderna.

    Un jeune homme apparaît dans cette chambre, ce pourrait être un prêtre avec sa belle chape de brocart, mais les ailes en font un ange, il semble flotter dans les airs, il amorce un geste de génuflexion, il parle en souriant, il sollicite...

    Marie incline sa tête du côté de l'ange, elle sourit et ouvre sa main droite, en signe d'acceptation ?

    Nous sommes toujours dans un regisre psychologique mais des objets symboliques s'y surajoutent, les lys bien sûr, mais aussi des éléments qui ne nous parlent plus: le manteau de la cheminée qui est fermé tant pour indiquer le printemps, que pour pour montrer que le feu de la passion charnelle est fermé par un volet marqué d'une croix, ou encore ce vase clos, posé sur le rebord de la cheminée, et qu'un rayon de soleil traverse sans l'altérer, comme le sein de Marie sera traversé par le rayon divin sans altérer sa virginité.

    Le discours théologique pointe derrière la narration psycologique.

     

    3 Fra_Angelico_Cortone 1434 tempera sur panneau de 175 cm x 180 cm..jpg

    Cette Annonciation de Fra Angelico nous transporte dans un autre monde. Il en a peint plusieurs, celle-ci date de 1433, c'est une détrempe sur bois,  centre d'un retable de 175 x 180 cm, conservé au Musée diocésain de Cortone.

    Le récit cède la place à la construction théologique.

    La maison de Marie, est un portique carré de 3 travées, qui se prolonge par une pièce fermée par un rideau rouge, c'est la chambre de Marie, le lieu clos, l'espace sacré, le saint des saints, fermé par un rideau comme celui du Temple de Jérusalem (et que Marie a tissé, selon une texte apocryphe)

    La maison donne sur un jardin bien clos, allusion érotique du  Cantique des Cantiques où la bien-aimée est comparée à un jardin clos "Tu es un jardin clos, ma sœur, mon épouse, un jardin clos, une fontaine scellée. » (Ct 4, 7-12).
    Mais le jardin est luxuriant, c'est le jardin d'Eden, avec ce bel arbre toujours vert, l'arbre de vie. Par opposition derrière ce jardin paradisiaque, on trouve un espace désertique et désolé, c'est là que sont chassés Adam et Eve. Le jardin de Marie est un nouvel Eden, car Marie est la nouvelle Eve.

    La relation entre cette maison jardin et le jardin des origines, est donnée par la perspective. Mais elle est étrange, généralement l'impression de fuite est donnée par un mouvement d'avant en arrière (le point de fuite passant par une fenêtre ouverte), ici rien de tel, le point de fuite est sur la zone désolée, et l'impression ressentie est celle d'un mouvement d'arrière en avant, comme si le passé, la faute d'Adam et d'Eve, se projetait en avant, vers ce "oui" que Marie va prononcer. Elle est bien la Nouvelle Eve, celle qui va permettre la venue du Sauveur.

    Marie est assise sur un trône, un tapis sous les pieds, elle accueille l'ange avec joie, sérénité et acceptation. Elle lisait, il s'agissait de la prophétie d'Isaïe (Is 7, 14) "Voici que la jeune femme [la vierge selon la traduction de la Septante et de la Vulgate] est enceinte et enfante un fils, et elle lui donnera le nom d'Emmanuel" . D'ailleurs c'est Isaïe que l'on voit en médaillon sculpté au dessus de la colonne, un rouleau à la main. Marie laisse glisser son livre, il est désormais inutile,  puisque la prophétie se réalise.

    L'ange est beau et somptueux par son vêtement et ses ailes. Il s'incline devant la Vierge et lui parle. Le texte est écrit en lettres d'or. Il dit "spiritus sanctus superveniet in te" (l'Esprit saint viendra sur toi) et la phrase se dirige vers la tête de Marie, tandis qu'une colombe apparaît justement au dessus d'elle, cet oiseau symbole de l'Esprit Saint (depuis les récits du  baptême de Jésus) s'inscrit dans un astre de feu, comme une étoile, celle qui annoncera aux mages, la naissance de Jésus, celle qui guide vers le Fils de Dieu.
    La seconde phrase de l'ange est : "virtus altissimus obumbrabit tibi" (la force du Très Haut te couvrira de son ombre), et il la dirige vers le sein de la Vierge.
    Marie répond : "ecce ancilla domini fiat mihi secundum verbum tuum" (je suis la servante du Seigneur, qu'il soit fait selon ta parole), cette phrase est écrite à l'envers, de droite à gauche, elle est dite et écrite pour Dieu, mais fait plus étrange, le "fiat mihi secundum" qui est le coeur de l'acceptation est caché par la colonne ! Caché à moins qu'il ne passe à travers elle, comme l'a suggéré Daniel Arasse, à travers cette colonne, image du Christ (arbre de vie reliant le ciel et la terre) qui va advenir par cefiat.

    Nous sommes loin des oeuvres précédentes,cette peinture n'a pas pour objet de raconter l'histoire mais de faire méditer le croyant sur le dogme, sur sa foi. Il s'agit d'une oeuvre mystique.

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    Juste un siècle après Fra Angelico, Lorenzo Lotto peint cette Annonciation qui se trouve à la Pinacoteca de Recanati en Italie.

     

    Nous sommes toujours dans la symbolique et la théologie, mais le peintre construit par le mouvement, un nouveau récit.

    Trois personnages relégués sur les côtés, au centre le vide occupé par un chat qui s'enfuit. Jeu de regards: le chat regarde l'ange qui regarde Marie, l'ange montre le ciel où Dieu le Père regarde Marie, qui se retourne pour nous regarder.

    L'ange s'agenouille, il tend le bras comme un héraut, un bras fort (Gabriel signifie Dieu est ma force) qui monte selon la verticale de la colonne vers les mains du Père.

    Dieu Père regarde Marie, mais il la vise comme s'il avait un arc et des flèches ? à moins qu'il la prie , les mains jointes; Marie est surprise, est-elle apeurée ? non elle sourit, ouvre les mains comme une orante en signe d'acceptation, ou comme la suppliante qui est devenue la suppliée. Mais elle nous prend à témoin. Tout le mouvement de la scène vient vers nous, nous implique.

    Dernier mouvement, celui de la lumière. Elle partage la scène en deux, à droite la lumière de Dieu, à gauche les ténèbres de la chambre, Marie semble partager en deux. Mais en disant "oui" elle permet à la lumière de gagner. l'ombre de l'ange va s'étendre, et la recouvrir, la lumière va inonder le lit, la pièce et le monde.
    Tout est mouvement dans cette oeuvre, seul le chat, image du malin, ne bouge pas, il est pétrifié par l'évènement. Les temps sont accomplis, le sablier qui est sur le tabouret, a cessé de couler.

     

     

  • GENESE 3 - QUEL SACRIFICE ?

    Je publie ici des éléments dont je me suis servi lors d'une séance du groupe biblique de l'ERF de Fontainebleau, animé par Odile ROMAN-LOMBARD, pasteure. D'autres pages seront publiées à l'occasion des prochaines rencontres.

    SACRIFICE D'ABRAHAM OU SACRIFICE D'ISAAC ?

    QUELLES APPROCHES DU SACRIFICE PEUT ON FAIRE A PARTIR DE QUELQUES OEUVRES PICTURALES

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    REMBRANDT (1635) Musée de l' Hermitage, St. Petersbourg

     L'ange de Dieu fait irruption au dernier moment et il sauve une victime passive et innocente.

               L'œuvre rend assez bien compte du texte, seul le bélier est absent, mais non seulement l'Ange parle (main levée) mais surtout il agit. Abraham est brutalement arrêté dans son geste de sacrificateur.

                Isaac est violemment éclairé, il est placé sur une diagonale montante, positive, alors que celle d'Abraham est négative, vers le bas et qu'il est dans l'ombre. Il a caché la tête de son fils, pour ne pas le voir, il a peur de son regard, et c'est le regard de Dieu qu'il rencontre.

               C’est un dévoilement : la victime est innocente, elle est reconnue par Dieu et sauvée par Lui seul. Le spectateur reste extérieur, nous   assistons à une sorte de jugement .

                          


    2 1603 LC Florence.jpg  LE CARAVAGE   1603 Galerie des Offices, Florence

     

    Cette peinture est antérieure à celle de Rembrandt qui s'en est inspiré, mais il me semble que la place d'Isaac dans le sacrifice est encore plus importante.

    Un instantané comme le précédent mais surtout  un cri dramatique dans un paysage calme. Un mouvement suspendu, marqué par le triangle fermé des 3 visages. Deux diagonales descendantes convergent vers Isaac, il n'a pas d'avenir, mais le doigt de Dieu peut faire sortir de ce triangle de mort, il montre une sortie possible.

    Tout est dans la liberté d'Abraham, il peut poursuivre son geste ou l'arrêter. il semble réfléchir.

    Dieu n'intervient pas du haut du ciel, il intervient au niveau de l'humain, il est si proche de la victime innocente qu'il lui ressemble (le peintre a pris le même modèle). Il se reconnaît en elle et invite l'homme à le sauver.

    Quant au spectateur il est directement impliqué: Isaac le regarde et l'appelle au secours, nous sommes appelés à agir.

     

    La portée christique est évidente,  reconnaître Dieu en son fils innocent. Et en cela cette oeuvre poursu3 Rouen - BM - ms. 3028 1520.jpgit une tradition. Jésus est la victime qui marche vers la mort suivant la volonté de son Père,comme Iaac il porte le bois du sacrifice.

      XIVème Rouen  - BM - ms. 3028 1520


     

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                  XIIIème Dijon - BM - ms. 0562

    La vision traditionnelle est christique :

    la scène se lit comme une BD mais du bas à gauche vers le haut à gauche. 

    C'est bien le sacrifice d'Abraham, un couteau à la main, indique à son fils la direction à prendre. L'enfant chemine devant lui en portant le fago.  Abraham, en vêtement couleur de deuil, s'apprête à sacrifier Isaac

    Mais Isaac est trop grand par rapport à l'autel (il n'est pas la bonne victime). L'animal désigné est une  préfiguration christique : l'absence de cornes, le fait que l'animal se détourne de son bourreau dans un geste caractéristique de la fuite (il souhaite éviter le supplice, comme le Christ à Gethsémani)

    Chaque étape de la Passion de Jésus trouve sa préfigure dans le sacrifice d'Abraham.

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    XVème Rouen - BM - ms. 1139 XV

    Deux siècles plus tard, que de changements. L'innocence est mise en avant, l'ange arrête l'épée comme les mères essaient d'arrêter celles des soldats dans le massacre des Innocents.

    Le Père est brutal, il ignore l'agneau qui est devant lui et qu'il pourrait sacrifier.

    Isaac est une victime consentante, il n'est pas attaché, il prie... il devient une figure christique par sa soumission, sa piété filiale, alors qu'Abraham semble condamné pour infanticide.

     C'est déjà le sacrifice d'Isaac. 

    voir Le sacrifice d'Abraham dans quelques représentations de la fin du Moyen Age par Christiane Raynaud, Journal of medieval history, vol. 21, September 1995, Pages 249-273

     

    On pourrait dire que Le Caravage est un aboutissement et qu'il apporte une nouvelle vision christique: Isaac n'est pas seulement la préfiguration du Christ mais de toute victime qui rejoint le Christ. C'est la fin d'une vision sacrificielle, tout est meurtre et tout meurtre est arrêté par Dieu. Mais le dire ainsi est sans doute trop moderne.

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    Chagall reprend une mise en scène classique mais les victimes sont de tous les temps, Isaac, Jésus, les victimes des pogrroms...

     

     

    http://www.musee-chagall.fr/

     

     

     

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          Quant à cette vision d'Alan Falk (peintre anglais né en 1945, travaillant aux EU), elle montre que le dilemme d'Abraham est aussi ou d'abord celui de notre conscience. 

     

    http://www.alanfalk.com/

    The Binding Of  Isaac (The Akedah)'  2002