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marie

  • ANNONCIATION A MARIE

    Je poursuis la publication du travail fait dans le cadre du groupe biblique de la paroisse réformée de Fontainebleau (voir ci-dessous, la page du 17 octobre sur Genèse 3 Quel sacrifice ?)

     

    L'annonciation à Marie dans l'évangile selon Luc est un texte très connu (Luc 1 ,26-38) mais lorsqu'on demande à quelqu'un de le restituer de mémoire, on s'aperçoit que le résultat est bien appauvri. C'est un peu ce qui était proposé à travers quelques images picturales de l'Annonciation. Quel récit ces images vous suggèrent elles ?

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    Cette huile sur bois d'Antonello da Messina date de 1476, elle est intitulée, "Annunziata"

    Le titre surprend car pour tous, l'Annonciation suppose la présence de l'ange Gabriel. Ici il est absent ou hors champ.

    La scène se passe dans un lieu indéterminé, Marie lit et soudain elle voit, ressent... la présence de quelqu'un, elle ferme alors son voile avec sa main gauche, par pudeur, elle cesse sa lecture et lève les yeux.

    Il y a donc bien une présence, Marie ne nous regarde pas elle fixe son regard vers la gauche, un peu en bas, que voit elle ? un ange ? qui est à genoux ? ou a-t-elle simplement le sentiment, la sensation d'une présence ? Ses yeux sont songeurs.

    Marie est surprise, mais le geste de sa main droite peut être interprété de plusieurs façons: trouble, étonnement, appréhension... devant ce qu'elle voit ou par rapport à ce qu'elle entend ? on peut aussi voir sa bouche prête à s'ouvrir pour parler.

    Ce petit tableau de dévotion (45 x 34 cm) veut rendre compte de l'évènement à travers les sentiments de Marie. Le récit que nous sommes amenés à faire est psychologique.

     

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     Plus de 400 ans plus tard on trouve cette même recherche dans  cette huile d'Henri Tanner, (Annonciation, Musée des Arts de Philadelphie)

     Cette fois, le récit est situé dans un cadre culturel, une chambre close, un univers "oriental" avec tapis, tenture, voûtes...

    Un récit qui précise l'heure aussi, c'est la nuit, Marie dormait, le lit est témoin d'un sommeil agité, elle s'est réveillée et a passé un peignoir, signe de pudeur comme le voile refermé du tableau précédent.

    Marie regarde-t-elle la colonne de lumière, de feu ? non ses yeux sont dans le vague, elle semble plutôt méditer sur cette présence. Elle ne manifeste ni surprise (elle est passée), ni crainte, ses mains expriment la concentration, une joie intérieure et un grand respect... elle est à l'écoute de Dieu.

    Et l'ange ?  ici la colonne de feu évoque la présence de Dieu auprès de Moïse pendant la nuit (Exode 13, 21), une théophanie qui vaut bien celle d'un messager (ange de Dieu), traditionnellement un homme vêtu de blanc. Cette colonne est-elle réelle ou vision intérieure ? Marie, la voit, la sent, l'écoute et va y répondre, nous sommes toujours dans la tradition des peintres qui veulent rendre une narration psychologique.
    Précisons simplement que cet Henri Tanner (1859-1957) était un noir américain , fils de pasteur méthodiste, qu'il connaissait Tanger, et que le modèle de ce tableau, est sa future femme, une jeune fille blanche.

     

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    Retour au XV ème s. avec cette Annonciation de Rogier van der Weyden (Musée du Louvre)

    Cette fois nous sommes dans la chambre d'une belle demeure flamande, une chambre stricte, bien ordonnée, avec ce grand lit ouvert mais non défait, surmonté d'une image pieuse.

    Marie est saisie dans son intimité, elle a les cheveux défaits, elle est vêtue sobrement, elle est à genoux, occupée à lire comme les jeunes femmes pieuses de la devotio moderna.

    Un jeune homme apparaît dans cette chambre, ce pourrait être un prêtre avec sa belle chape de brocart, mais les ailes en font un ange, il semble flotter dans les airs, il amorce un geste de génuflexion, il parle en souriant, il sollicite...

    Marie incline sa tête du côté de l'ange, elle sourit et ouvre sa main droite, en signe d'acceptation ?

    Nous sommes toujours dans un regisre psychologique mais des objets symboliques s'y surajoutent, les lys bien sûr, mais aussi des éléments qui ne nous parlent plus: le manteau de la cheminée qui est fermé tant pour indiquer le printemps, que pour pour montrer que le feu de la passion charnelle est fermé par un volet marqué d'une croix, ou encore ce vase clos, posé sur le rebord de la cheminée, et qu'un rayon de soleil traverse sans l'altérer, comme le sein de Marie sera traversé par le rayon divin sans altérer sa virginité.

    Le discours théologique pointe derrière la narration psycologique.

     

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    Cette Annonciation de Fra Angelico nous transporte dans un autre monde. Il en a peint plusieurs, celle-ci date de 1433, c'est une détrempe sur bois,  centre d'un retable de 175 x 180 cm, conservé au Musée diocésain de Cortone.

    Le récit cède la place à la construction théologique.

    La maison de Marie, est un portique carré de 3 travées, qui se prolonge par une pièce fermée par un rideau rouge, c'est la chambre de Marie, le lieu clos, l'espace sacré, le saint des saints, fermé par un rideau comme celui du Temple de Jérusalem (et que Marie a tissé, selon une texte apocryphe)

    La maison donne sur un jardin bien clos, allusion érotique du  Cantique des Cantiques où la bien-aimée est comparée à un jardin clos "Tu es un jardin clos, ma sœur, mon épouse, un jardin clos, une fontaine scellée. » (Ct 4, 7-12).
    Mais le jardin est luxuriant, c'est le jardin d'Eden, avec ce bel arbre toujours vert, l'arbre de vie. Par opposition derrière ce jardin paradisiaque, on trouve un espace désertique et désolé, c'est là que sont chassés Adam et Eve. Le jardin de Marie est un nouvel Eden, car Marie est la nouvelle Eve.

    La relation entre cette maison jardin et le jardin des origines, est donnée par la perspective. Mais elle est étrange, généralement l'impression de fuite est donnée par un mouvement d'avant en arrière (le point de fuite passant par une fenêtre ouverte), ici rien de tel, le point de fuite est sur la zone désolée, et l'impression ressentie est celle d'un mouvement d'arrière en avant, comme si le passé, la faute d'Adam et d'Eve, se projetait en avant, vers ce "oui" que Marie va prononcer. Elle est bien la Nouvelle Eve, celle qui va permettre la venue du Sauveur.

    Marie est assise sur un trône, un tapis sous les pieds, elle accueille l'ange avec joie, sérénité et acceptation. Elle lisait, il s'agissait de la prophétie d'Isaïe (Is 7, 14) "Voici que la jeune femme [la vierge selon la traduction de la Septante et de la Vulgate] est enceinte et enfante un fils, et elle lui donnera le nom d'Emmanuel" . D'ailleurs c'est Isaïe que l'on voit en médaillon sculpté au dessus de la colonne, un rouleau à la main. Marie laisse glisser son livre, il est désormais inutile,  puisque la prophétie se réalise.

    L'ange est beau et somptueux par son vêtement et ses ailes. Il s'incline devant la Vierge et lui parle. Le texte est écrit en lettres d'or. Il dit "spiritus sanctus superveniet in te" (l'Esprit saint viendra sur toi) et la phrase se dirige vers la tête de Marie, tandis qu'une colombe apparaît justement au dessus d'elle, cet oiseau symbole de l'Esprit Saint (depuis les récits du  baptême de Jésus) s'inscrit dans un astre de feu, comme une étoile, celle qui annoncera aux mages, la naissance de Jésus, celle qui guide vers le Fils de Dieu.
    La seconde phrase de l'ange est : "virtus altissimus obumbrabit tibi" (la force du Très Haut te couvrira de son ombre), et il la dirige vers le sein de la Vierge.
    Marie répond : "ecce ancilla domini fiat mihi secundum verbum tuum" (je suis la servante du Seigneur, qu'il soit fait selon ta parole), cette phrase est écrite à l'envers, de droite à gauche, elle est dite et écrite pour Dieu, mais fait plus étrange, le "fiat mihi secundum" qui est le coeur de l'acceptation est caché par la colonne ! Caché à moins qu'il ne passe à travers elle, comme l'a suggéré Daniel Arasse, à travers cette colonne, image du Christ (arbre de vie reliant le ciel et la terre) qui va advenir par cefiat.

    Nous sommes loin des oeuvres précédentes,cette peinture n'a pas pour objet de raconter l'histoire mais de faire méditer le croyant sur le dogme, sur sa foi. Il s'agit d'une oeuvre mystique.

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    Juste un siècle après Fra Angelico, Lorenzo Lotto peint cette Annonciation qui se trouve à la Pinacoteca de Recanati en Italie.

     

    Nous sommes toujours dans la symbolique et la théologie, mais le peintre construit par le mouvement, un nouveau récit.

    Trois personnages relégués sur les côtés, au centre le vide occupé par un chat qui s'enfuit. Jeu de regards: le chat regarde l'ange qui regarde Marie, l'ange montre le ciel où Dieu le Père regarde Marie, qui se retourne pour nous regarder.

    L'ange s'agenouille, il tend le bras comme un héraut, un bras fort (Gabriel signifie Dieu est ma force) qui monte selon la verticale de la colonne vers les mains du Père.

    Dieu Père regarde Marie, mais il la vise comme s'il avait un arc et des flèches ? à moins qu'il la prie , les mains jointes; Marie est surprise, est-elle apeurée ? non elle sourit, ouvre les mains comme une orante en signe d'acceptation, ou comme la suppliante qui est devenue la suppliée. Mais elle nous prend à témoin. Tout le mouvement de la scène vient vers nous, nous implique.

    Dernier mouvement, celui de la lumière. Elle partage la scène en deux, à droite la lumière de Dieu, à gauche les ténèbres de la chambre, Marie semble partager en deux. Mais en disant "oui" elle permet à la lumière de gagner. l'ombre de l'ange va s'étendre, et la recouvrir, la lumière va inonder le lit, la pièce et le monde.
    Tout est mouvement dans cette oeuvre, seul le chat, image du malin, ne bouge pas, il est pétrifié par l'évènement. Les temps sont accomplis, le sablier qui est sur le tabouret, a cessé de couler.

     

     

  • Le Triptyque de l’Incarnation

    Louis Rivier triptyque Incarnation 1954.jpg

    Cette œuvre surprenante est de Louis RIVIER (1885-1963) peintre et verrier suisse du canton de Vaud.

    Chrétien réformé il a décoré de nombreux lieux de culte mais son œuvre picturale est très variée. http://www.rivier.ch

     

     

     

    UNE REPRESENTATION THEOLOGIQUE

     

    Toute représentation religieuse est fondée sur une certaine théologie, mais cette dernière est plus ou moins explicite, ici elle l’est fortement. Il faut dire que la représentation du Dieu UN et TRINE est particulièrement liée à une théologie précise. Il faut se reporter à l’œuvre extraordinaire par sa richesse et sa précision, « Dieu et ses images : une histoire de l’Eternel dans l’art » par François BOESPFLUG, Bayard 2008

     

    Pour cette œuvre il me semble que le texte biblique qui correspond le mieux est celui de la lettre de Paul aux Philippiens 2, 6-11

     

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    Lui qui était dans la condition de Dieu,il n'a pas jugé bon de revendiquer son droit d'être traité à l'égal de Dieu ; mais au contraire, il se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur. Devenu semblable aux hommes et reconnu comme un homme à son comportement, il s'est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu'à mourir, et à mourir sur une croix.

    C'est pourquoi Dieu l'a élevé au-dessus de tout ; il lui a conféré le Nom qui surpasse tous les noms, afin qu'au Nom de Jésus, aux cieux, sur terre et dans l'abîme, tout être vivant tombe à genoux, et que toute langue proclame : « Jésus Christ est le Seigneur »,pour la gloire de Dieu le Père.

     


    UNE ŒUVRE INACHEVEE

    Ce triptyqANNONCIATION.jpgue est formé de deux panneaux latéraux de 250 x 70 cm et d’un panneau central de 250 x 150 cm. Ce triptyque a été peint entre 1956 et 1959 pour u ne église mais il est resté inachevé. En effet si le panneau central exprime le mystère de l’Incarnation du Fils de Dieu, né de la Vierge Marie et mort crucifié, il est entouré de deux autres volets, celui de gauche représente une Annonciation, mais celui de droite est resté vide.


    Le professeur Dario Gamboni de l’Université de Genève, explique : « Rivier a abandonné la réalisation de cette œuvre en 1959 à la suite de sa maladie, et aucune indication interne ou externe ne permet d’inférer avec certitude le sujet du panneau demeuré vierge, même si la logique de l’iconographie fait supposer une Ascension, une Résurrection ou éventuellement une Transfiguration. »

     

     

     

     

     

     

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    Voir l’ouvrage de Dario Gamboni, Louis Rivier et la peinture religieuse en Suisse romande, Payot Lausanne, 1985.

    Voici la description qu’il en donne :

    « La partie supérieure de ce triptyque figure la Trinité sous la forme de trois personnes identiques. Le Fils accomplit la volonté du Père en quittant sa place sur le trône commun après s’être dépouillé de ses vêtements ; provoquant l’émoi d’un groupe d’anges, il se dirige ver le niveau inférieur où se tient Marie, agenouillée dans sa chambre et recevant de l’ange Gabriel le lys de l’Annonciation. Au centre la Vierge est entourée par les mages et les bergers (la diversité de leur provenance symbolise aussi sans doute l’humanité) qui adorent le Christ nouveau-né qu’elle tient sur son épaule devant le Christ crucifié sur les poutres de l’étable. »

     

    Ce tableau mural est la dernière œuvre que Louis Rivier destinait à une église. Il est mort avant de l’achever. Il a été exposé à l’église catholique de Bottens dans le canton de Vaud, le temple protestant qui est proche abrite une autre grande œuvre de Louis Rivier, datant de 1941, une crucifixion avec Marie au pied de la croix, œuvre dont la technique est originale, il s’agit un dessin au crayon de couleur sur mur préparé.

     

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  • VIERGES EN MAJESTE

    Le qualificatif de "majesté" est donné à des sculptures romanes représentant la Vierge et l'Enfant

    (ici vierge en majesté , bois polychromr du 12ème s. trouvée en 1874 Clermont Ferrand)o_vierge_romane_CF.jpg

    mais  aussi à des peintures italiennes de la fin 13ème début 14ème s. dites "Maestà"

    (ci-dessous Maestà de Cimabue 1380, Offices, Florence)

    180px-Cimabue_033.jpg

    En fait ces représentations proviennent d'icônes byzantines qui célèbrent la Theotokos ou Mère de Dieu selon diverses postures.

    Cette proclamation de Marie comme Theotokos date du 3ème concile d'Ephèse en 431, elle donne à la Vierge Marie une place unique, elle est celle qui unit le Ciel et la Terre, elle est l'escalier céleste par lequel descend le  Logos, parole de Dieu faite homme,  elle est la figure de  l'Incarnation.

    Cette représentation de l'Incarnation se conjugue selon 4 types qui sont à l'origine de toutes les icônes de la Theotokos, il s'agit de la Vierge orante, de la Vierge Eleousa, de la Vierge Kyriotissa et de la Vierge Hodigitria. Ce sont surtout les deux dernières qui nous intéressent ici.

    Icone de la Kyriotissa, Ste Catherine du Mont Sinaï, 6ème s. La Vierge porte l'Enfant et est entourée de St Georges et St Théodore et de 2 anges

    kyriotissa_vi_sinai_belmontedu.jpg

    La Vierge Kyriotissa est la Vierge souveraine, la Vierge en  majesté, elle est assise sur un trône et porte le Christ Emmanuel.

    Le trône de Sagesse est à la fois l'objet qui évoque la Jérusalem céleste, et le titre donné à la Vierge puisqu'elle porte et enfante, le Christ Sagesse de Dieu.

    Le Christ Emmkyriotissa_moscou_15.jpganuel n'est pas un enfant, c'est un petit adulte conscient de son rôle. De la main gauche il tient un rouleau, celui des Ecritures qui annonce sa venue, ce rouleau deviendra ultérieurement un livre puis il sera reemplacé par un globe, signe du pouvoir universel. De la main droite il bénit en levant l'index et le majeur (les deux natures du Christ) et en croisant le pouce vers l'annulaire et l'auriculaire (union des trois personnes de la Trinité).

    Ci-contre icône moscovite  du 15ème s.

     

     

     

    La Vierge regarde le fidèle, elle est hiératique sur son trône, de ses vêtements ne sortent que ses deux mains, elle tient l'enfant sur ses genoux, elle a parfois trois étoiles sur le front, l'épaule et le vêtement pour souligner sa triple virginité.

     

     

     

     

     

     

    Les vierges auvergnates

    Elles correspondent bien au type Kyriotissa : position hiératique, symétrie générale, Enfant portant un livre ou un globe de la main gauche, geste de bénédiction de la main droite. La seule différence porte sur les mains de la Vierge, elles sont géantes pour mieux protéger l'Enfant, la main droite lui tient le haut du corps ou le bras qui bénit, tandis que la main gauche tient le bas du corps.


    vvauclair_cantal.jpgo_vierge_romane_CF.jpgnd_La_dreche_Albi_12.jpgVierge_a_l_Enfant_de_Vernols_bois_polychrome.jpgVierge_a_l_Enfant_d_Usson_bois_polychrome.jpgorciva2.jpg


    Les Vierges ci-dessus proviennent de Clermont-Ferrand, La Dreche, Vauclair, Usson et Vernols


    Sur cette image de la Vierge d'Orcival on voit bien le trône de Sagesse, avec ses colonnes et arcades, architecture de la Jérusalem céleste

     


     

     

    Cette représentation n'est pas réservée aux Vierges statuaires, chartres_notre_dame_belle_verriere.JPG

    on la trouve dans la vitail de Chartres, Notre Dame de la belle Verrière,12ème s.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    La Vierge Hodigitria

    Elle est différente, c'est celle qui conduit les hommes vers Dieu, celle qui montre le chemin. Elle porte l'Enfant sur son bras gauche et de sa main droite elle montre le chemin vers l'Homme Dieu. Cette représentation est, selon la légende, celle qui fut peinte par saint Luc. D'où son importance. elle a donné de très nombreuses icônes célèbres

    Ci dessous icône du musée Kastoria

    Hodegetria musee Kastoria.jpg

    La Vierge Hodigitria a servi de modèle aux peintres italiens des Trecento et Quattrocento, mais ils gardent le trône de sagesse et la composition en pied entourée d'anges

    giotto_madonna_in_glory.jpgDuccio_Rucellai_1285.jpg180px-Cimabue_033.jpg


     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Maestà de Giotto 1313, de Cimabue 1280 et de Duccio 1285


     

    pour une étude détaillée voir http://www.culture-et-foi.com/coupsdecoeur/oeuvres_dart_2003_vierges_majeste.htm

     

    Ces vierges de la Renaissance

    vont évoluer pour donner des vierges plus tendresLa_vierge_yy_la_chaise_1515.jpglippi_vierge_enfant_1440.jpg

    comme ici celle de F. Lippi vers 1440

    et la célèbre Vierge à la chaise de Raphaël en 1515

    mais elles sont assez proches de la  Vierge Eleaousa ou vierge de miséricorde et de  tendresse caractérissée par le contact joue à joue  entre la mère et l'enfant

    Donskaya_14e.jpg

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Ci contre Vierge du Don 14ème s.


     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Ces exemples montrent l'importance des modèles byzantins et russes dans l'art occidental médiéval et de la Renaissance mais ils montrent aussi qu'à une tradition orientale de la reproduction de modèles bien caractérisés, l'occident oppose une création continuelle de formes nouvelles.

     

  • VIERGES ENCEINTES suite

    J'ai publié une note sur la représentation de la Vierge Marie enceinte de Jésus en décembre 2006. Un historien québécois de Champlain, René BEAUDOIN,  a récemment ajouté un long commentaire à ce que j'avais écrit, je l'en remercie vivement et je publie donc la liste des vierges enceintes qu'il a établie avec l'image correspondante si elle est disponible (voir l'album)

    Auparavant je voudrais préciser l'histoire de cette représentation, à partir d'un article de Marie-France Morel, Paris CNRS, Embryons glorieux et embryons immatures : iconographies contrastées des grossesses sacrées et du limbe des enfants (XIIIe-XVIe siècles)

    L'originalité du christianisme tient en grande partie dans l'Incarnation, Dieu qui se fait Homme en naissant d'une femme, en étant "le fruit de ses entrailles".

    D'où la volonté médiévale de représenter conception, grossesse et nouveau né.

    Pélendri, Chypre, Eglise Sainte-Croix (XIVe siècle).jpgC'est à travers la scène de la Visitation, la rencontre de Marie et d'Elisabeth, toutes deux enceintes,  que la grossesse de Marie est le plus souvent représentée. Pour signifier la grossesse des deux femmes, les artistes ont recours à plusieurs procédés : le simple gonflement des robes  ; parfois Marie et Élisabeth se tâtent le ventre ou les seins ; ou bien on montre en transparence les deux "embryons". Ces représentations de la Visitation avec les deux embryons visibles ont été très populaires à la fin du Moyen Age,  avant d'être censurées par les théologiens.

    fresque de Pélendri, Chypre, Eglise Sainte-Croix (XIVe siècle) http://www.unifr.ch/scant/news/activites/colloque_embryon_prog.htm

     

    Outre les représentations des grossesses dans la Visitation, l'art chrétien  a beaucoup représenté la Vierge enceinte, seule, comme objet de dévotion pour les fidèles. Vierge-du-signe.jpg

    L'Orient byzantin et russe ne représente  pas la Vierge enceinte, mais parfois elle porte l'Enfant devant sa poitrine à la fois embryon et nouveau né. Ainsi cette Vierve de Novgorod du 12ème s http://notredamedesneiges.over-blog.com/article-14078014.html

     

     

    En Occident, le plus souvent, la grossesse est seulement suggérée par le ventre rond ou le gonflement de la robe, mais il faut faire mention des sculptures  dites Vierges de l'Espérance.  La sculpture la plus célèbre est celle de la petite église jurassienne de Chissey-sur-Loue qui date des environs de 1550. Mais on en trouve de nombreuses répliques dans toute la France, aussi bien dans la France du nord.  

    En 1545-1563, le concile de Trente a réitéré les condamnations antérieures au nom de la théologie, mais aussi au nom de la décence, ce qui est la marque d'une nouvelle sensibilité. Il devient désormais "indécent" de représenter des conceptions, des grossesses et même des naissances sacrées. Les représentations de Vierges enceintes avec embryons ont disparu au cours du XVIIe siècle au fur et à mesure que progressait la Contre Réforme.

     

    Restent cependant des Vierges enceintes reconnaissables par leurs ventres qu'elles montrent avec plus ou moins d'ostentiation. Les  créations plus récentes sont à mettre en relation avec la nouvelle fierté des femmes enceintes, plus qu'à une théologie de l'incarnation.


    Voici les lieux donnés par René Beaudoin.

    cucugnan.JPGÀ l’église Saint-Julien et Sainte-Basilisse (1861) de Cucugnan (Aude), la chapelle sud abrite une statue de la Vierge enceinte du XVIIe siècle.  Une exposition sur «Les Vierges enceintes en France» est présentée à l'intérieur de cette église. Cette exposition présente la dizaine de «Vierges Enceintes» trouvées en France :

     

     



    Brioude (Haute-Loire)

    Plomeur (Finistère)  voir album

    Laroque-des-Albères,

    Prades et Perpignan (Pyrénées-Orientales)

    Chissey-sur-Loué (Jura)

    Oulchy-le-Château (Aisne)

    Arcachon (Gironde) voir album

    Belpech et Cucugnan (Aude) voir album


    René Beaudoin rajoute qu'il en a trouvé d'autres en France :

    1) Musée d'art sacré de Le Val (Provence), situé dans la Chapelle de Notre-Dame-de-l'Annonciade , dite Chapelle des pénitents; voir album voir album

    2) Église Notre-Dame-de-Grâce à Eyguières (Provence) voir album

    3) Abbaye des Allois, à Geneytouse (Haute-Vienne), dont il ne reste que la statue de la Vierge enceinte du XVIIIe siècle voir album

    4) Il y a une statue d'une femme enceinte, décapitée à la Révolution, à la chapelle Sainte-Élisabeth à Grignoncourt (Vosges). Les responsables croient qu'il pourrait s'agir de Marie, à moins que ce ne soit Élisabeth. voir album

    5) L'Escarène (Alpes-Maritimes), une belle Vierge enceinte et assise. voir album


    et ailleurs dans le monde :

    1) À Cuba, dans l'église de Santa-Maria de Cayo voir album

    2) Au Québec, Jacques Bourgault en a sculpté une pour l'église de Saint-Jean-Port-Joli (Chaudière-Appalaches) voir album

    3) Au Québec, dans l'église de Matane (Bas-Saint-Laurent)  voir album

    4) Au Portugal, dans la chapelle du château de Montemort O veihlo au sud de Porto voir album

    mais aussi à Evora (NdR) voir album

    5) En Argentine, dans une église de Salta , voir album

    et semble-t-il au Brésil à Rio de Janeiro NdR voir album

     

    René BEAUDOIN vient de publier un article dans Wikipedia, complet et mis à jour

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Vierges_enceintes

     

    Il faudrait cependant distinguer parmi toutes ces Vierges enceintes, les Femmes de l'Apocalypse, des Maries enceintes. La Femme de l'Apocalypse (Ap 12, 1-2 "Un signe grandiose apparut au ciel : une Femme ! le soleil l'enveloppe, la lune est sous ses pieds et douze étoiles couronnent sa tête ; elle est enceinte et crie dans les douleurs et le travail de l'enfantement" ) a été assimilée à la Vierge Marie mais sa représentation ajoute toujours un ou plusieurs éléments : un serpent sous le pied, un croissant de lune, un vêtement en relation avec le soleil, une couronne étoilée. Celle de Brioude (voir ci dessus) en est un exemple. Les autres vierges enceintes sont plutôt en référence avec l'Avent.

     

    Fin ou à suivre ?

  • MARIE ALLAITE COMME ISIS ?

    80b10f3c921f1e5b988b9ef0a4f91963.jpg                       Cet hiver la représentation de la Vierge marie enceinte a déclenché une petite polémique, aujourd’hui on pourrait regarder des vierges allaitant l’enfant Jésus. Ces Maria lactans sont très nombreuses à partir du XII ème s. mais disparaissent après le concile de Trente.

    Marie héritière d'Isis ?

    Presque tous les historiens rattachent cette représentation à celle de la déesse Isis allaitant le petit Horus. Un fd292897fc43762495508e107578aa1a.jpgnouveau culte de la déesse égyptienne s’est développé à période hellénistique et romaine et des statuettes la représentant se trouvent par milliers,  Isis, la une mère universelle,  sauve  son fils d'une morsure de serpent grâce à son lait. Ces statuettes d'Isis allaitant Horus, incarnant la puissance de la vie, les chrétiens coptes d’Egypte auraient remplacé Isis par Marie, puis la représentation serait passée à Byzance et aurait gagné l’Italie puis tout l’occident après les croisades.

     

    Un article d’Arnaldo Marcone, « Fausta, Pietas e la Virgo lactans, migrazione di un motivo » ( http://www.lemonnier.it/lmu/lmu/pdf/STUMarcone/12%20Marcone%20181-209.pdf ) essaie de montrer une autre source possible, la vierge allaitante serait en relation avec certaines représentations frontales de la Pietas de l’impératrice Fausta, femme de Constantin, allaitant son enfant, Pietas encadrée de  Providentia et de Felicitas.

    Plusieurs modèles iconographiques ?

    En regardant quelques images de Marie allaitant, il me semble que l’on peut classer quelques types iconographiques :            

     1  En fonction du contexte

    3c27202e07e875ec8f54f34a66a75603.jpg            11  Vierge avec l’Enfant en majesté frontale, seuls ou entourés d’anges ou de saints

             

       12  Vierge et enfant Jésus dans une scène narrative : Nativité, sainte famille en Egypte ou 5190bc555b19c3c722ae22a947fbe0e3.jpg à Nazareth, la connotation religieuse peut être forte ou s’estomper totalement 

         

     2  En fonction de l’allaitement :

            0464bc0257eda101a1645a7f22e6d8e4.jpg   

    21  L’enfant tète

               

     0449af9213423712df93eda9d630087d.jpg

    22  L’enfant est devant le sein sans téter

                    221  Marie présente son sein à l’enfant  

                    222  Marie tend son sein en le pinçant entre ses doigts 

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    Avec ce dernier geste, le lait devrait gicler et c’est lui qui permet ce qu’on appelle la lactation de saint

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    Bernard.  Selon la légende, la scène se serait passée dans l'église de Saint-Vorles à Châtillon-sur-Seine où saint Bernard priait devant une statue de la Madone allaitant l'enfant. Au moment où il prononça les mots, en latin, « Monstra te esse Matrem » [Montre que tu es notre Mère], la statue s'anima et la Vierge pressant son sein fit jaillir une giclée de lait sur les lèvres de son adorateur, sèches à force d'avoir chanté ses louanges. 

     

    A propos de ce geste de pincement du sein entre deux doigts, Thomas Peter Kunesh développe toute une théorie, il y voit un geste divin que l’on retrouve dans d’autres représentations. Voir http://www.darkfiber.com/pz/ Les représentations sont aussi très joliment étudiées de façon à connaître la façon de se dévêtir pour allaiter,  « What Nursing Mothers Wore » par Vicki Spindler http://anplica.net/annora/nursing.html

     

     

    Pourquoi montrer Marie allaitant Jésus ?

    Pourquoi représenter Marie allaitant l’enfant Jésus avec un tel réalisme ? Cette image se développe à partir du XIIème siècle en relation avec celui de la théologie de l’Incarnation. Il s’agit de montrer Dieu vraiment fait Homme, né d’une femme, nourri par sa mère… C’est le même  souci qui explique que l’enfant soit montré nu, le sexe bien visible. Mais alors pourquoi est-ce à la même époque que dans la représentation de la Nativité, la scène de l’accouchement de Marie disparaît au profit de celle de l’adoration ?  (voir  http://imagesbible.jexiste.fr/FICHES/F_NT_nativite.htm ) Il ne s’agit pas de nier la naissance de Jésus,  mais d’exalter la virginité de Marie « avant, pendant et après » sa naissance, d’où l’idée d’une naissance miraculeuse. C’est peut être justement pour réaffirmer la véritable incarnation du Fils de Dieu, alors que sa naissance devient miraculeuse, que l’on met alors en avant l’allaitement maternel.   Cet allaitement crée des relations évidemment étroites entre Marie et Jésus, et comme tout homme garde un amour particulier pour la femme qui l’a nourri, on peut adresser de nombreuses prières par l’intermédiaire de Marie, à qui le Christ, du fait de cet allaitement, ne peut rien refuser.

     

     

    Cacher ce sein...

    Le concile de Trente demanda de ne plus représenter de nudités dans la peinture religieuse, cependant 785401acea9e24fb254a935d0e668332.jpg « Marie allaitant »  ne disparut pas de suite, on la  trouve encore chez Zurbaran en 1659, mais il ne s’agit alors que de scènes intimes où Marie est représentée comme une mère sans référence religieuse. Les dernières images frontales me semblent être celles du Greco en 1600 et de statues espagnoles américaines vers 1620 (ci contre en Floride) l’Espagne a peut être tardé à appliquer les nouveaux canons de la décence.  

    6775ae09bfd5d272fb0b6c93939ab12a.jpgEvidemment certaines statues furent modifiées de façon à cacher le sein de la Vierge. Ainsi sur lde tableau du Titien on voit le voile de la Vierge, allongé pour cacher le sein vers lequel se tourne l'enfant.

    Plus tard ce fut  le cas de la Vierge de Bonne Nouvelle de la cathédrale de Nancy, cette statue du XVème s. cassée en 1792, fut restaurée après le Concordat mais le sein gênant fut abrasé et une tunique ciselé à sa place, la tête de l'enfant Jésus fut recollée mais non pas incliné comme un bébé tétant le sein de sa mère.  Voir http://www.patrimoinedefrance.org/ico035.htm

    L’album ci contre donne des exemples de ces différents types,  presque toutes les images ont été tirées d’un site très riche « Images Used in Nursing Research » http://anplica.net/annora/nursinglist.html