LA DÉCOUVERTE DES PYRAMIDES DANS L'ART OCCIDENTAL
L'art occidental découvre l’Égypte à travers une scène biblique: le voyage ou la fuite de la sainte famille en Égypte. Fuyant Hérode qui tue les enfants, Joseph conduit Marie et l'enfant Jésus, en Egypte puis revient en Palestine, à Nazareth. Le récit vient de l’évangile de Matthieu (ch.2, 13-23), il n’a aucune réalité historique, mais un grand sens théologique puisque par-là, Jésus est le nouveau Moïse.
Les représentations artistiques occidentales de ce voyage, sont très nombreuses. Elles devraient montrer les pyramides ou du moins des monuments égyptiens, c'est ce que j'ai essayé d'en trouver
Rien avant le XVIIe s. époque où quelques voyageurs commencent à visiter l'Egypte.
Dans les années 1630 François de Nomé promène la famille dans une forêt de ruines... mais elles sont romaines
Musée des beaux-Arts de Houston
Poussin a fait deux "retour d’Egypte" dans l'un, il montre une famille quittant des ruines sans caractères, une sorte d’aqueduc, mais dans celle-ci les bâtiments égyptiens sont beaux mais bien gréco-romains, peut-être des restes imaginés d'Alexandrie
Huile sur toile 1653 97x153 cm Musée de Lyon
En 1660 Charles Lebrun se montre plus explicite avec une fontaine, une façade de temple romain et une pyramide, un peu cachée, au fond du tableau !
huile sur toile 51x42 cm Musée de Minneapolis
Ce modèle de pyramide, très pointue, avait été publié dès 1554 Pyramides de l';Egypte, illustration de Cosmographie Universelle de Sébastien Munster (1488-1552) Bâle
On retrouve un dessin semblable dans un compte rendu de voyage du père Vansleb envoyé en Egypte par Colbert. Donc ce modèle est connu des peintres européens.
Sébastien Bourdon dans La Sainte Famille à la pyramide entre vraiment dans le sujet, c'est toujours celle du dessin précédent, qui a donné cette représentation étroite des pyramides de Giseh. Elles deviendront bientôt à la mode dans les jardins aristocratiques.
Huile sur toile - 55,5 x 68,5 cm Collection privée déposée à New York,MET
Au début du XIXe s., les populaires images d'Epinal se lancent dans la production, et cette fois on retrouve deux pyramides et une statue gréco-romaine
La Fuite en Égypte, Taille-douce coloriée au pinceau éditée avant 1755 par Johann Christian Leopold, Augsbourg - Coll. Musée de l’Image | Ville d’Épinal
Il faut donc attendre le XIXe s. pour vraiment reconnaître l'Egypte pharaonique
"La fuite en Egypte" 1855 Musée d'Orsay. Cette aquarelle du peintre français Gabriel-Alexandre Decamps, montre bien les trois Pyramides au fond, et au premier plan des petits lézards rampant, qui évoquent peut être les plaies d'Egypte de la Genèse ?
En 1880 Luc-Olivier Merson réalise ce Repos en Egypte, pour le Salon de 1879, c’est un succès énorme, qui inspirera bientôt les premiers films sur l'histoire de Jésus.
Huile sur toile 128x71 cm Musée de Boston
La rencontre entre l' Egypte pharaonique et le christianisme se fait dans la sérénité, alors que Joseph dort sur le sable, Marie et l’enfant Jésus peuvent se reposer entre les pattes du Sphinx, qui regarde les étoiles. Les vieux dieux accueillent le Fils de Dieu , qui rayonne, la Lumière divine annonce les temps nouveaux
En 1921 ce petit tableau (Huile sur panneau de peuplier 39 X 61 cm) du même Merson est exposé à titre posthume à l'Ecole Nationale de Beaux Arts de Paris.
Appelé les Vierges mères, l’œuvre inverse un peu la donne précédente, ce n'est plus le Sphinx qui porte Marie, c'est cette dernière qui se rend compte qu'elle "copie" Isis allaitant Osiris, el c'est la déesse qui est dans la lumière alors que Marie, qui semble stupéfaite et apeurée, est dans l'ombre.
Le peintre avait sans doute découvert que l'iconographie d’origine byzantine puis médiévale, montrant Marie allaitant Jésus , provenait d'un modèle égyptien. En avait il été troublé ?
voir ma fiche de 2007 Marie allaite comme Isis http://artbiblique.hautetfort.com/tag/sein
et le tableau iconographique qui l'accompagne http://artbiblique.hautetfort.com/album/marie_allaite_ou_maria_lactans/
Aujourd’hui seuls les Coptes continuent à représentent le récit, surtout à partir des évangiles apocryphes, ce qui valorise l’Égypte par rapport à la Palestine .
Ashraf et Bernadette Sadek, couple franco-égyptien qui dirige Le Monde copte, ont publié, six ans après le premier, le deuxième volume de la trilogie Un fleuve d’eau vive qui est l’œuvre la plus complète sur le séjour en Egypte de la Sainte Famille. En voici l'illustration, elle est surprenante, un peu kitsch , mais à noter dans la procession égyptienne, une statue d’Isis tenant Horus sur ses genoux, comme quoi la mise en scène n'est pas aussi naïve qu'il semble !