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peinture

  • ANNONCIATION A MARIE

    Je poursuis la publication du travail fait dans le cadre du groupe biblique de la paroisse réformée de Fontainebleau (voir ci-dessous, la page du 17 octobre sur Genèse 3 Quel sacrifice ?)

     

    L'annonciation à Marie dans l'évangile selon Luc est un texte très connu (Luc 1 ,26-38) mais lorsqu'on demande à quelqu'un de le restituer de mémoire, on s'aperçoit que le résultat est bien appauvri. C'est un peu ce qui était proposé à travers quelques images picturales de l'Annonciation. Quel récit ces images vous suggèrent elles ?

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    Cette huile sur bois d'Antonello da Messina date de 1476, elle est intitulée, "Annunziata"

    Le titre surprend car pour tous, l'Annonciation suppose la présence de l'ange Gabriel. Ici il est absent ou hors champ.

    La scène se passe dans un lieu indéterminé, Marie lit et soudain elle voit, ressent... la présence de quelqu'un, elle ferme alors son voile avec sa main gauche, par pudeur, elle cesse sa lecture et lève les yeux.

    Il y a donc bien une présence, Marie ne nous regarde pas elle fixe son regard vers la gauche, un peu en bas, que voit elle ? un ange ? qui est à genoux ? ou a-t-elle simplement le sentiment, la sensation d'une présence ? Ses yeux sont songeurs.

    Marie est surprise, mais le geste de sa main droite peut être interprété de plusieurs façons: trouble, étonnement, appréhension... devant ce qu'elle voit ou par rapport à ce qu'elle entend ? on peut aussi voir sa bouche prête à s'ouvrir pour parler.

    Ce petit tableau de dévotion (45 x 34 cm) veut rendre compte de l'évènement à travers les sentiments de Marie. Le récit que nous sommes amenés à faire est psychologique.

     

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     Plus de 400 ans plus tard on trouve cette même recherche dans  cette huile d'Henri Tanner, (Annonciation, Musée des Arts de Philadelphie)

     Cette fois, le récit est situé dans un cadre culturel, une chambre close, un univers "oriental" avec tapis, tenture, voûtes...

    Un récit qui précise l'heure aussi, c'est la nuit, Marie dormait, le lit est témoin d'un sommeil agité, elle s'est réveillée et a passé un peignoir, signe de pudeur comme le voile refermé du tableau précédent.

    Marie regarde-t-elle la colonne de lumière, de feu ? non ses yeux sont dans le vague, elle semble plutôt méditer sur cette présence. Elle ne manifeste ni surprise (elle est passée), ni crainte, ses mains expriment la concentration, une joie intérieure et un grand respect... elle est à l'écoute de Dieu.

    Et l'ange ?  ici la colonne de feu évoque la présence de Dieu auprès de Moïse pendant la nuit (Exode 13, 21), une théophanie qui vaut bien celle d'un messager (ange de Dieu), traditionnellement un homme vêtu de blanc. Cette colonne est-elle réelle ou vision intérieure ? Marie, la voit, la sent, l'écoute et va y répondre, nous sommes toujours dans la tradition des peintres qui veulent rendre une narration psychologique.
    Précisons simplement que cet Henri Tanner (1859-1957) était un noir américain , fils de pasteur méthodiste, qu'il connaissait Tanger, et que le modèle de ce tableau, est sa future femme, une jeune fille blanche.

     

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    Retour au XV ème s. avec cette Annonciation de Rogier van der Weyden (Musée du Louvre)

    Cette fois nous sommes dans la chambre d'une belle demeure flamande, une chambre stricte, bien ordonnée, avec ce grand lit ouvert mais non défait, surmonté d'une image pieuse.

    Marie est saisie dans son intimité, elle a les cheveux défaits, elle est vêtue sobrement, elle est à genoux, occupée à lire comme les jeunes femmes pieuses de la devotio moderna.

    Un jeune homme apparaît dans cette chambre, ce pourrait être un prêtre avec sa belle chape de brocart, mais les ailes en font un ange, il semble flotter dans les airs, il amorce un geste de génuflexion, il parle en souriant, il sollicite...

    Marie incline sa tête du côté de l'ange, elle sourit et ouvre sa main droite, en signe d'acceptation ?

    Nous sommes toujours dans un regisre psychologique mais des objets symboliques s'y surajoutent, les lys bien sûr, mais aussi des éléments qui ne nous parlent plus: le manteau de la cheminée qui est fermé tant pour indiquer le printemps, que pour pour montrer que le feu de la passion charnelle est fermé par un volet marqué d'une croix, ou encore ce vase clos, posé sur le rebord de la cheminée, et qu'un rayon de soleil traverse sans l'altérer, comme le sein de Marie sera traversé par le rayon divin sans altérer sa virginité.

    Le discours théologique pointe derrière la narration psycologique.

     

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    Cette Annonciation de Fra Angelico nous transporte dans un autre monde. Il en a peint plusieurs, celle-ci date de 1433, c'est une détrempe sur bois,  centre d'un retable de 175 x 180 cm, conservé au Musée diocésain de Cortone.

    Le récit cède la place à la construction théologique.

    La maison de Marie, est un portique carré de 3 travées, qui se prolonge par une pièce fermée par un rideau rouge, c'est la chambre de Marie, le lieu clos, l'espace sacré, le saint des saints, fermé par un rideau comme celui du Temple de Jérusalem (et que Marie a tissé, selon une texte apocryphe)

    La maison donne sur un jardin bien clos, allusion érotique du  Cantique des Cantiques où la bien-aimée est comparée à un jardin clos "Tu es un jardin clos, ma sœur, mon épouse, un jardin clos, une fontaine scellée. » (Ct 4, 7-12).
    Mais le jardin est luxuriant, c'est le jardin d'Eden, avec ce bel arbre toujours vert, l'arbre de vie. Par opposition derrière ce jardin paradisiaque, on trouve un espace désertique et désolé, c'est là que sont chassés Adam et Eve. Le jardin de Marie est un nouvel Eden, car Marie est la nouvelle Eve.

    La relation entre cette maison jardin et le jardin des origines, est donnée par la perspective. Mais elle est étrange, généralement l'impression de fuite est donnée par un mouvement d'avant en arrière (le point de fuite passant par une fenêtre ouverte), ici rien de tel, le point de fuite est sur la zone désolée, et l'impression ressentie est celle d'un mouvement d'arrière en avant, comme si le passé, la faute d'Adam et d'Eve, se projetait en avant, vers ce "oui" que Marie va prononcer. Elle est bien la Nouvelle Eve, celle qui va permettre la venue du Sauveur.

    Marie est assise sur un trône, un tapis sous les pieds, elle accueille l'ange avec joie, sérénité et acceptation. Elle lisait, il s'agissait de la prophétie d'Isaïe (Is 7, 14) "Voici que la jeune femme [la vierge selon la traduction de la Septante et de la Vulgate] est enceinte et enfante un fils, et elle lui donnera le nom d'Emmanuel" . D'ailleurs c'est Isaïe que l'on voit en médaillon sculpté au dessus de la colonne, un rouleau à la main. Marie laisse glisser son livre, il est désormais inutile,  puisque la prophétie se réalise.

    L'ange est beau et somptueux par son vêtement et ses ailes. Il s'incline devant la Vierge et lui parle. Le texte est écrit en lettres d'or. Il dit "spiritus sanctus superveniet in te" (l'Esprit saint viendra sur toi) et la phrase se dirige vers la tête de Marie, tandis qu'une colombe apparaît justement au dessus d'elle, cet oiseau symbole de l'Esprit Saint (depuis les récits du  baptême de Jésus) s'inscrit dans un astre de feu, comme une étoile, celle qui annoncera aux mages, la naissance de Jésus, celle qui guide vers le Fils de Dieu.
    La seconde phrase de l'ange est : "virtus altissimus obumbrabit tibi" (la force du Très Haut te couvrira de son ombre), et il la dirige vers le sein de la Vierge.
    Marie répond : "ecce ancilla domini fiat mihi secundum verbum tuum" (je suis la servante du Seigneur, qu'il soit fait selon ta parole), cette phrase est écrite à l'envers, de droite à gauche, elle est dite et écrite pour Dieu, mais fait plus étrange, le "fiat mihi secundum" qui est le coeur de l'acceptation est caché par la colonne ! Caché à moins qu'il ne passe à travers elle, comme l'a suggéré Daniel Arasse, à travers cette colonne, image du Christ (arbre de vie reliant le ciel et la terre) qui va advenir par cefiat.

    Nous sommes loin des oeuvres précédentes,cette peinture n'a pas pour objet de raconter l'histoire mais de faire méditer le croyant sur le dogme, sur sa foi. Il s'agit d'une oeuvre mystique.

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    Juste un siècle après Fra Angelico, Lorenzo Lotto peint cette Annonciation qui se trouve à la Pinacoteca de Recanati en Italie.

     

    Nous sommes toujours dans la symbolique et la théologie, mais le peintre construit par le mouvement, un nouveau récit.

    Trois personnages relégués sur les côtés, au centre le vide occupé par un chat qui s'enfuit. Jeu de regards: le chat regarde l'ange qui regarde Marie, l'ange montre le ciel où Dieu le Père regarde Marie, qui se retourne pour nous regarder.

    L'ange s'agenouille, il tend le bras comme un héraut, un bras fort (Gabriel signifie Dieu est ma force) qui monte selon la verticale de la colonne vers les mains du Père.

    Dieu Père regarde Marie, mais il la vise comme s'il avait un arc et des flèches ? à moins qu'il la prie , les mains jointes; Marie est surprise, est-elle apeurée ? non elle sourit, ouvre les mains comme une orante en signe d'acceptation, ou comme la suppliante qui est devenue la suppliée. Mais elle nous prend à témoin. Tout le mouvement de la scène vient vers nous, nous implique.

    Dernier mouvement, celui de la lumière. Elle partage la scène en deux, à droite la lumière de Dieu, à gauche les ténèbres de la chambre, Marie semble partager en deux. Mais en disant "oui" elle permet à la lumière de gagner. l'ombre de l'ange va s'étendre, et la recouvrir, la lumière va inonder le lit, la pièce et le monde.
    Tout est mouvement dans cette oeuvre, seul le chat, image du malin, ne bouge pas, il est pétrifié par l'évènement. Les temps sont accomplis, le sablier qui est sur le tabouret, a cessé de couler.

     

     

  • Le Triptyque de l’Incarnation

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    Cette œuvre surprenante est de Louis RIVIER (1885-1963) peintre et verrier suisse du canton de Vaud.

    Chrétien réformé il a décoré de nombreux lieux de culte mais son œuvre picturale est très variée. http://www.rivier.ch

     

     

     

    UNE REPRESENTATION THEOLOGIQUE

     

    Toute représentation religieuse est fondée sur une certaine théologie, mais cette dernière est plus ou moins explicite, ici elle l’est fortement. Il faut dire que la représentation du Dieu UN et TRINE est particulièrement liée à une théologie précise. Il faut se reporter à l’œuvre extraordinaire par sa richesse et sa précision, « Dieu et ses images : une histoire de l’Eternel dans l’art » par François BOESPFLUG, Bayard 2008

     

    Pour cette œuvre il me semble que le texte biblique qui correspond le mieux est celui de la lettre de Paul aux Philippiens 2, 6-11

     

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    Lui qui était dans la condition de Dieu,il n'a pas jugé bon de revendiquer son droit d'être traité à l'égal de Dieu ; mais au contraire, il se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur. Devenu semblable aux hommes et reconnu comme un homme à son comportement, il s'est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu'à mourir, et à mourir sur une croix.

    C'est pourquoi Dieu l'a élevé au-dessus de tout ; il lui a conféré le Nom qui surpasse tous les noms, afin qu'au Nom de Jésus, aux cieux, sur terre et dans l'abîme, tout être vivant tombe à genoux, et que toute langue proclame : « Jésus Christ est le Seigneur »,pour la gloire de Dieu le Père.

     


    UNE ŒUVRE INACHEVEE

    Ce triptyqANNONCIATION.jpgue est formé de deux panneaux latéraux de 250 x 70 cm et d’un panneau central de 250 x 150 cm. Ce triptyque a été peint entre 1956 et 1959 pour u ne église mais il est resté inachevé. En effet si le panneau central exprime le mystère de l’Incarnation du Fils de Dieu, né de la Vierge Marie et mort crucifié, il est entouré de deux autres volets, celui de gauche représente une Annonciation, mais celui de droite est resté vide.


    Le professeur Dario Gamboni de l’Université de Genève, explique : « Rivier a abandonné la réalisation de cette œuvre en 1959 à la suite de sa maladie, et aucune indication interne ou externe ne permet d’inférer avec certitude le sujet du panneau demeuré vierge, même si la logique de l’iconographie fait supposer une Ascension, une Résurrection ou éventuellement une Transfiguration. »

     

     

     

     

     

     

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    Voir l’ouvrage de Dario Gamboni, Louis Rivier et la peinture religieuse en Suisse romande, Payot Lausanne, 1985.

    Voici la description qu’il en donne :

    « La partie supérieure de ce triptyque figure la Trinité sous la forme de trois personnes identiques. Le Fils accomplit la volonté du Père en quittant sa place sur le trône commun après s’être dépouillé de ses vêtements ; provoquant l’émoi d’un groupe d’anges, il se dirige ver le niveau inférieur où se tient Marie, agenouillée dans sa chambre et recevant de l’ange Gabriel le lys de l’Annonciation. Au centre la Vierge est entourée par les mages et les bergers (la diversité de leur provenance symbolise aussi sans doute l’humanité) qui adorent le Christ nouveau-né qu’elle tient sur son épaule devant le Christ crucifié sur les poutres de l’étable. »

     

    Ce tableau mural est la dernière œuvre que Louis Rivier destinait à une église. Il est mort avant de l’achever. Il a été exposé à l’église catholique de Bottens dans le canton de Vaud, le temple protestant qui est proche abrite une autre grande œuvre de Louis Rivier, datant de 1941, une crucifixion avec Marie au pied de la croix, œuvre dont la technique est originale, il s’agit un dessin au crayon de couleur sur mur préparé.

     

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  • David et Judith coupeurs de têtes...

    medium_Rubens_DA_GO.jpgDavid blesse mortellment Goliath non pas avec une épée mais avec sa fronde de berger,puis il prend le sabre  du géant pour lui trancher la tête.(voir http://imagesbible.com/FICHES/F_A_goliath.htm)

    Judith tue Holopherne en lui tranchant directement la tête avec l'épée qu'elle a prise pendant qu'ivre, il dormait.medium_Judithcaravage.jpg

    (voir  http://imagesbible.com/FICHES/F_A_Judith.htm)

    Dans les deux cas c'est donc avec leurs propres armes que Goliath et Holopherne sont décapités. C'est assez logique puisqu'un berger comme David n'a pas d'arme de combat et encore moins une jeune veuve comme Judith..

    Je trouve ce parallèle assez troublant mais je ne vois pas où trouver un commentaire, les rabbins ne s'y intéressent pas puisque le livre de Judith ne fait pas partie de la Bile juive.

    J'ai mis en parallèle des images de la décapitation, ce qui est frappant c'est l'acharnement mis par Judith, est-ce seulement parce qu'elle est une faible femme? parce qu'elle le tue en le décapitant alors que Goliath est déjà mourant quand David lui coupe la tête ?

    Dans les deux cas la tête tranchée sert de preuve puisque David comme Judith la rapportent  comme trophée de victoire dans leur camp

  • JEU DE MAINS PAR LE CARAVAGE

    Je suis allé voir l'exposition d'Amsterdam sur Rembrandt-Le Caravage. Une superbe exposition qui m'a enthousiasmé, elle est construite comme une comparaison entre ces deux peintres qui sont de générations différentes et ne se sont bien sûr jamais rencontrés. 

    Pour ceux que cela intéresse il existe un site assez extraordinaire pour une visite virtuelle http://www.rembrandt-caravaggio.nl/index_en.htm 

    La comparaison ne porte pas forcément sur les mêmes scènes comme la Sainte famille ou le sacrifice d'Abraham, mais aussi sur des rapprochements formels ainsi Judith et Holopherne du Caravage comparé à l'Aveuglement de Samson de Rembrandt.medium_caravage.jpg

    Un tableau m'a particulièrement frappé : l'Arrestation du Christ par Le Caravage.
    Cette oeuvre que est construite sur les mains et les bras.  Contrairement à d'autres artistes Le Caravage ne représente pas le baiser de Judas mais une sorte d'enlacement, une prise de possession qui n'est pas forcément menaçante mais dont la signification est donnée par le geste parfaitemeant parallèle du bras du soldat. Jésus qui a compris, croise les mains comme s'il s'attendait à les voir liées.  Enfin deux mains sont lancées vers le ciel, à droite celle d'un spectateur qui tend la main pour mieux voir, saisir ? et à gauche la main ouverte d'un homme qui s'enfuit de peur. Cet homme est le jeune homme décrit  seulement par Marc dans son évangile : Et, l'abandonnant, ils prirent tous la fuite. Un jeune homme le suivait, n'ayant pour tout vêtement qu'un drap, et on le saisit ;  mais lui, lâchant le drap, s'enfuit tout nu Mc 14, 50-52.
    Ces mains forment un triangle une pointe en bas (les mains soumises de Jésus), deux en haut (les deux mains de la peur ou de la surprise) et les deux bras de l'arrestation donnent force et sens à l'ensemble.

    L'album donne quelques exemples d'autres "Arrestations" provenant du site http://imagesbible.com/FICHES/F_NT_arrestation.htm