Le qualificatif de "majesté" est donné à des sculptures romanes représentant la Vierge et l'Enfant
(ici vierge en majesté , bois polychromr du 12ème s. trouvée en 1874 Clermont Ferrand)
mais aussi à des peintures italiennes de la fin 13ème début 14ème s. dites "Maestà"
(ci-dessous Maestà de Cimabue 1380, Offices, Florence)
En fait ces représentations proviennent d'icônes byzantines qui célèbrent la Theotokos ou Mère de Dieu selon diverses postures.
Cette proclamation de Marie comme Theotokos date du 3ème concile d'Ephèse en 431, elle donne à la Vierge Marie une place unique, elle est celle qui unit le Ciel et la Terre, elle est l'escalier céleste par lequel descend le Logos, parole de Dieu faite homme, elle est la figure de l'Incarnation.
Cette représentation de l'Incarnation se conjugue selon 4 types qui sont à l'origine de toutes les icônes de la Theotokos, il s'agit de la Vierge orante, de la Vierge Eleousa, de la Vierge Kyriotissa et de la Vierge Hodigitria. Ce sont surtout les deux dernières qui nous intéressent ici.
Icone de la Kyriotissa, Ste Catherine du Mont Sinaï, 6ème s. La Vierge porte l'Enfant et est entourée de St Georges et St Théodore et de 2 anges
La Vierge Kyriotissa est la Vierge souveraine, la Vierge en majesté, elle est assise sur un trône et porte le Christ Emmanuel.
Le trône de Sagesse est à la fois l'objet qui évoque la Jérusalem céleste, et le titre donné à la Vierge puisqu'elle porte et enfante, le Christ Sagesse de Dieu.
Le Christ Emmanuel n'est pas un enfant, c'est un petit adulte conscient de son rôle. De la main gauche il tient un rouleau, celui des Ecritures qui annonce sa venue, ce rouleau deviendra ultérieurement un livre puis il sera reemplacé par un globe, signe du pouvoir universel. De la main droite il bénit en levant l'index et le majeur (les deux natures du Christ) et en croisant le pouce vers l'annulaire et l'auriculaire (union des trois personnes de la Trinité).
Ci-contre icône moscovite du 15ème s.
La Vierge regarde le fidèle, elle est hiératique sur son trône, de ses vêtements ne sortent que ses deux mains, elle tient l'enfant sur ses genoux, elle a parfois trois étoiles sur le front, l'épaule et le vêtement pour souligner sa triple virginité.
Les vierges auvergnates
Elles correspondent bien au type Kyriotissa : position hiératique, symétrie générale, Enfant portant un livre ou un globe de la main gauche, geste de bénédiction de la main droite. La seule différence porte sur les mains de la Vierge, elles sont géantes pour mieux protéger l'Enfant, la main droite lui tient le haut du corps ou le bras qui bénit, tandis que la main gauche tient le bas du corps.
Les Vierges ci-dessus proviennent de Clermont-Ferrand, La Dreche, Vauclair, Usson et Vernols
Sur cette image de la Vierge d'Orcival on voit bien le trône de Sagesse, avec ses colonnes et arcades, architecture de la Jérusalem céleste
Cette représentation n'est pas réservée aux Vierges statuaires,
on la trouve dans la vitail de Chartres, Notre Dame de la belle Verrière,12ème s.
La Vierge Hodigitria
Elle est différente, c'est celle qui conduit les hommes vers Dieu, celle qui montre le chemin. Elle porte l'Enfant sur son bras gauche et de sa main droite elle montre le chemin vers l'Homme Dieu. Cette représentation est, selon la légende, celle qui fut peinte par saint Luc. D'où son importance. elle a donné de très nombreuses icônes célèbres
Ci dessous icône du musée Kastoria
La Vierge Hodigitria a servi de modèle aux peintres italiens des Trecento et Quattrocento, mais ils gardent le trône de sagesse et la composition en pied entourée d'anges
Maestà de Giotto 1313, de Cimabue 1280 et de Duccio 1285
pour une étude détaillée voir http://www.culture-et-foi.com/coupsdecoeur/oeuvres_dart_2003_vierges_majeste.htm
Ces vierges de la Renaissance
vont évoluer pour donner des vierges plus tendres
comme ici celle de F. Lippi vers 1440
et la célèbre Vierge à la chaise de Raphaël en 1515
mais elles sont assez proches de la Vierge Eleaousa ou vierge de miséricorde et de tendresse caractérissée par le contact joue à joue entre la mère et l'enfant
Ci contre Vierge du Don 14ème s.
Ces exemples montrent l'importance des modèles byzantins et russes dans l'art occidental médiéval et de la Renaissance mais ils montrent aussi qu'à une tradition orientale de la reproduction de modèles bien caractérisés, l'occident oppose une création continuelle de formes nouvelles.