L’histoire de Bethsabée est un moment important du Second Livre de Samuel
aux chapitres 11 et 12.
Permanence de la représentation
Dans un manuscrit syriaque du 9e s. les Sacra Parallela, Bethsabée est déjà figurée entièrement nue assise sur un banc à côté d’un bassin extérieur, accompagnée d’une servante. En arrière-plan, le roi David l’épie de la terrasse de son palais située en hauteur. Ce modèle de composition se retrouve encore en 1970 chez Picasso qui y ajoute le prophète Nathan, celui qui accuse David d’adultère.
AU MOYEN AGE DANS LES LIVRES D’HEURES
Les Livres d’Heures sont des livres de prières qui sont faits pour des personnes laïques, hommes et femmes, pourquoi y voit on souvent des images de Bethsabée au bain ? Le sujet du bain de Bethsabée revêt alors, dans certaines enluminures, une valeur éducative. « Le sujet essentiel reste alors la faute de David, et non la nudité de Bethsabée. Le regard porté par David sur le corps de Bethsabée est traité ici en exemple d’action blâmable dont l’évocation est empreinte d’une forte connotation morale »
Des livres d’heures, destinés à une clientèle féminine, présentaient souvent l’épisode sans
érotisme : le but était alors de mettre en garde les jeunes femmes contre la convoitise et l’adultère. Dans son traitement iconographique, le personnage de Bethsabée témoigne, dans les livres d’heures de la fin du Moyen Âge, d’une ambivalence entre valeur morale et représentation frivole.
Les peintres médiévaux vont donc se plaire à figurer un roi galant qui tente de séduire la jeune femme par sa poésie et sa musique. Le Livre d’heures à l’usage de Rome
réalisé vers 1485 pour Philippe de Commynes, présente ainsi un roi David marchant sur le rivage, à côté d’une Bethsabée qu’il charme avec son instrument. La mise en scène souligne le côté sensible et troublé du roi poète
Ce désir amoureux qu’évoque la harpe est aussi quelquefois personnifié dans les peintures sous les traits d’un cupidon. ,
Exécutée dans les années 1500, l’œuvre dépeint la jeune femme, le bas du corps immergé dans un somptueux bassin hexagonal plaqué de marbre et orné de macarons de têtes de lions. À sa droite, juché sur un piédestal, Cupidon, les yeux fermés, décoche une flèche dans sa direction. L’insertion de cette figure mythologique dans l’épisode biblique manifeste la rencontre entre la culture humaniste naissante et la tradition chrétienne ; elle souligne à sa façon le passage, dans les arts picturaux, du sacré au profane
La tradition d’une dame accompagnant la jeune femme au moment de son bain est très ancienne. Il s’agit encore d’une invention qui s’implante très tôt dans les représentations de l’épisode biblique et qui devient, au fil des siècles, une composante de sa mise en scène.
La peinture issue du Livre d’heures à l’usage de Rome exécuté au XVIe siècle et conservé à la Bibliothèqueaméricaine d’Huntington, présente chacune des suivantes de Bethsabée munie d’un attribut symbolique : des fruits rouges (des grenades, un fruit lié au désir et à la fécondité), un miroir (symbole de vanité et de connaissance), un graal (une coupe renvoyant aussi bien à la Passion du Christ, qu’à un rituel de toilette pouvant contenir des onguents précieux et des parfums) et, enfin, la lettre que le roi David destine à sa bien-aimée. Les servantes permettent ainsi aux peintres qui nous intéressent de combiner, d’une manière gracieuse, les références à des rituels intimes, mais aussi à une symbolique du désir et du péché.
Le bain rituel et la séduction
Une phrase de la Bible nous informe sur les raisons du bain de Bethsabée : « Et il coucha avec elle, alors qu’elle venait de se purifier de ses règles ». Le narrateur fait ainsi référence à une coutume imposée aux femmes juives (Lévitique 15 : 19-23
Ainsi le bain pris par Bethsabée est justifié par la tradition juive.
La jeune femme n’est plus niddah, c’est-à-dire qu’elle vient de terminer sa période de menstruation, pendant laquelle elle n’a pas le droit d’avoir des relations sexuelles. Le bain réglementaire désigné par le terme de tebila, lui permet de quitter symboliquement cette phase d’impureté. De plus, la purification rituelle a pour fonction de préparer la femme à l’accomplissement du devoir conjugal…
Bethsabée est figurée comme une jeune femme qui s’offre délibérément au regard de David alors qu’elle se sait féconde. . Ainsi, parmi les peintures illustrant le bain de Bethsabée qui mettent l’accent sur la convoitise de David et sur l’adultère, nombreuses sont celles qui atténuent sa culpabilité en présentant la jeune femme avec les atours d’une séductrice avisée Bethsabée ne serait plus une innocente victime des décisions royales, mais deviendrait la véritable héroïne de l’épisode, jouant de ses atouts pour réaliser ses ambitieux projets.
Suzanne et Bethsabée
Il est intéressant de la rapprocher de celle de Suzanne au bain (Daniel, chapitre 13). Même si chacune des histoires tend à développer une morale propre avec des interprétations particulières, il existe des rapprochements entre ces deux représentations et il n’est pas exclu de penser que les peintres ont pris comme exemple le lieu du bain de Suzanne, son jardin, pour imaginer celui de Bethsabée à propos duquel si peu d’éléments étaient fournis.
D'après Elsa Guyot Étude Iconographique de l’épisode biblique “Bethsabée au bain”dans les livres d’heures des XVe et XVIe siècles Reti Medievali Rivista, 14, 1 (2013) <http://rivista.retimedievali.it>
Et si on regardait David découvrant Bethsabée , à droite une miniature du XVe et à gauche deux peintres du XIXe
Tissot et Huguet 1881
BETHSABEE ET LA LETTRE DE DAVID
Massys , un messager sans lettre
La lettre, motif imaginé et ajouté par les peintres, il s’impose à partir du début du XVIe siècle et devient un accessoire indispensable à la représentation du thème. Le texte biblique signalant simplement que David, ayant envoyé des gens, fit venir Bethsabée, le recours à la lettre devient alors une invention plausible qui révèle cependant que les peintres traitent le texte source comme un canevas sur lequel ils se permettent de broder
L’enluminure issue du Livre d’heures à l’usage de Rome, illustrant le moment précis où Bethsabée reçoit la missive du roi se caractérise par une dramatisation prononcée dans la mise en scène et les gestes des personnages. La jeune femme ne semble nullement troublée par l’intrusion d’un homme dans ce moment d’intimité. Se tenant debout et droite, la main posée sur la hanche, elle affiche beaucoup d’assurance. Il est intéressant de souligner que la littérature contemporaine décrit le personnage de Bethsabée selon un stéréotype social qui convient à la sensibilité médiévale
Le thème de la lettre est toutefois mentionné dans le Livre deuxième de Samuel au sein du chapitre concernant David et Bethsabée avec la missive militaire que le roi remet à Urie et qui condamne à mort ce dernier. La référence à un personnage porteur d’un message, énoncée dans la Bible, est conservée et fait alors l’objet d’une transformation. Ce procédé de substitution semble ainsi avoir pour fonction d’atténuer le péché de David.
Mais le motif pourrait indiquer une autre forme de déplacement, beaucoup plus significatif, dans l’interprétation de la scène. La lettre suggère en effet la possibilité, pour la jeune israélite, d’exercer une forme de libre arbitre. Selon ce scénario, Bethsabée est en effet appelée à jouer un rôle plus actif dans l’aventure romanesque. La jeune femme n’est plus la victime impuissante du désir d’un roi…
Le thème est tellement utilisé que le public du XVIIe siècle comprend au premier regard et sans ambiguïté le sujet dont il est question. C’est le cas pour la célèbre Bethsabée de Willem Drost (v.1630-v.1680) maître hollandais, élève de Rembrandt
AUTRES IMAGES de l'histoire de BETHSABEE
Urie
RAPHAEL réussit à introduire la présence mentale d'Urie, le mari de Bethsabée dans la scène du bain. Urie est parti à la guerre et David comme Bethsabée, le savent et y pensent
La rencontre d'Urie et de David, il lui donne une lettre pour l'envoyer à la mort
Pieter Latsman 1611
La mort est plus rarement représentée, ici dans la Bible de Schnorr von Carosfeld
La repentance de David
Le personnage de David qui convoite la femme de son prochain, commet l’adultère et tue, demeure, malgré ses fautes, un modèle de repentance chrétienne.
Très ancienne scène dans les manuscrits grecs et médiévaux
Le rôle de Nathan est souvent mis en avant
Francesco Pesellino, Les reproches de Natan à David 1442 Musée du Mans,
La honte fait passer sous terre
L'enfant de Bethsabée : Salomon
Salomon bercé par le roi David
Bethsabée et son fils Salomon
David est vieux, et Bethsabée veille sur l'avenir de son fils Salomon 1 Roi 1,11-40 elle se rend chez David et lui rappelle ses promesses,
David ordonne que Salomon soit oint immédiatement
de Gelder 1685
Petrus Comestor, Bible historiale, Meermanno Koninklijke Bibliotheek, La Haye 1372
ce thème a déjà été vu en février 2012 dans ce blog,
http://artbiblique.hautetfort.com/apps/search?s=bethsabee&search-submit-box-search-92980=OK