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LA TOUR DE BABEL

 Le Musée du Louvre propose actuellement une exposition sur « BABYLONE », ce n’est pas une exposition facile, car les objets  sont surtout des tablettes cunéiformes, mais elle se termine par un sujet plus imagé, le mythe de la Tour de Babel. http://mini-site.louvre.fr/babylone/FR/index.html

J’en profite pour exploiter quelques pistes d’un mythe biblique que je n’ai pas traité dans mon site sur les Images de la Bible.

NAISSANCE DU MYTHE

Livre de la Genèse ch.11 1 Tout le monde se servait d'une même langue et des mêmes mots.  2 Comme les hommes se déplaçaient à l'orient, ils trouvèrent une vallée au pays de Shinéar et ils s'y établirent.  3 Ils se dirent l'un à l'autre : Allons ! Faisons des briques et cuisons-les au feu ! La brique leur servit de pierre et le bitume leur servit de mortier.  4 Ils dirent : Allons ! Bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet pénètre les cieux ! Faisons-nous un nom et ne soyons pas dispersés sur toute la terre !
 5 Or Yahvé descendit pour voir la ville et la tour que les hommes avaient bâties.
 6 Et Yahvé dit : Voici que tous font un seul peuple et parlent une seule langue, et tel est le début de leurs entreprises ! Maintenant, aucun dessein ne sera irréalisable pour eux.  7 Allons ! Descendons ! Et là, confondons leur langage pour qu'ils ne s'entendent plus les uns les autres.  8 Yahvé les dispersa de là sur toute la face de la terre et ils cessèrent de bâtir la ville.  9 Aussi la nomma-t-on Babel, car c'est là que Yahvé confondit le langage de tous les habitants de la terre et c'est de là qu'il les dispersa sur toute la face de la terre

 

 « Babel » vient d’un mot akkadien qui signifie « porte de dieu ». Le mot est aussi proche du mot hébreu bâlal qui signifie « confondre, embrouiller ».    Le nom de Babel traduirait donc ce brouillage de langues. Mais  le terme Babel signifie aussi Babylone en hébreu, et il est employé souvent dans la Bible avec cette acception.

La tour de Babel biblique semble s'apparenter à une "ziggurat", probablement celle qui fut mise à jour en 1913 dans les ruines de Babylone mais on en trouve ailleurs dans de nombreuses anciennes villes mésopotamiennes.

Les ziggurats sont des tours carrées à étages,  qui dominaient chaque grande ville en Mésopotamie. Composées d’un massif de briques plein, et de plusieurs terrasses superposées, en retrait les unes par rapport aux autres elles comportaient un sanctuaire, elles manifestaient de loin le pouvoir de la ville et de son dieu.

À Babylone la première mention de la tour à étages remonte à Hammourabi. Plusieurs fois ruinée, elle fut reconstruite sous Nabuchodonosor II au VII e siècle av. J.-C. sur les vestiges de l’ancienne construction.  Lorsque les habitants de Jérusalem furent déportés à Babylone au VIème siècle av. J.-C., ils purent certainement contempler la ziggurat restaurée par leurs vainqueurs. La tour sera définitivement démolie par Alexandre le Grand en 331 av. J.-C..

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Photo d’une maquette de la ziggurat de Babylone http://bible.archeologie.free.fr/tourdebabel.html Mais le témoignage le plus vivant qui nous soit parvenu à propos de la tour de Babylone, est sans doute celui de l'historien Hérodote, qui lui consacre au Vème siècle avant notre ère un paragraphe dans ses notes de voyage  :

"Au milieu se dresse une tour massive, longue et large d'un stade, surmontée d'une autre tour qui en supporte une troisième, et ainsi de suite, jusqu'à huit tours. Une rampe extérieure monte en spirale jusqu'à la dernière tour ; à mi-hauteur environ il y a un palier et des sièges, pour qu'on puisse s'asseoir et se reposer au cours de l'ascension. La dernière tour contient une grande chapelle, et dans la chapelle on voit un lit richement dressé, et près de lui une table d'or. Mais il n'y a point de statue, et nul mortel n'y passe a nuit, sauf une seule personne, une femme du pays, celle que le dieu a choisie entre toutes, disent les Chaldéens qui sont les prêtres de cette divinité."

 
LA TOUR BIBLIQUE AU MOYEN-AGE ET A LA RENAISSANCE

Comme le texte biblique, qui est très bref, ne fournit aucune indication sur la forme ni sur les dimensions de la tour, l’interprétation iconographique a été libre durant tout le Moyen Age.

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Ces œuvres des  XIVème et XVème s .(les références des œuvres seront données dans l’album) représentent le chantier de la construction de la tour de Babel,  les ouvriers et les maçons s’affairent à tailler les pierres, et à dresser les murs. Les instruments utilisés sont simples mais le système de levage est plus recherché.

 

À la différence de ce qui est dit dans le texte de la Genèse, la construction s’effectue en pierres et non en briques. Au premier plan, un personnage coiffé d’un turban et tenant un sceptre représente Nemrod, roi légendaire considéré comme le bâtisseur de la tour. Il est vêtu comme un prince turc. Ce personnage est une invention des commentateurs du texte biblique notamment de Philon d’Alexandrie, au Ier  siècle de notre ère.

 

Alors que la tour de gauche ressemblait assez par sa forme à une ziggourat, celle de droite est plus proche d’un clocher de cathédrale. Mais on retrouve les maçons, la taille de la pierre, le roi Nemrod. Au loin à gauche on voit la grande Babylone représentée comme une ville d’Occident.

A la Renaissance, le sujet change un peu, l’accent n’est plus mis sur la construction mais sur la prouesse et la taille d’une œuvre inachevée.

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C’est Pierre Breughel, qui créa le modèle en peignant deux oeuvres très proches, l’une en 1563, l’autre en 1568. Le roi Nemrod n’est présent que sur l’un des tableaux, mais désormais la tour s’inscrit dans un paysage urbain et des activités portuaires empruntés à la réalité de l’époque. La tour, toujours en pierres et riche en éléments architecturaux (arcs, contreforts, galeries ajourées), est inachevée, mais elle monte très haut vers le Ciel qui la menace parfois de gros nuages noirs.

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Cette tour à base circulaire est inspirée du minaret de la mosquée de Samarra, mais elle s’inspire aussi du Colisée de Rome dans ses détails architecturaux. Le fait que la tour dérive du Colisée a été interprété comme le symbole de Rome, la Rome des papes assimilée par les protestants à une « nouvelle Babylone ».   Ce modèle connut un grand succès dans toute l’Europe mais plus particulièrement chez les artistes du Nord, souvent réformés.

AU DELA DE LA BIBLE

A partir du XVIIème s. la Tour de Babel perd sa référence strictement biblique pour devenir un sujet qui a sa propre existence, sans pour autant devenir totalement neutre.

La tour devient un modèle architectural.

A gauche modèle encore classique, mais déjà surréaliste pour Monsù Desiderio, pseudonyme mystérieux derrière lequel se cachent François de Nomé et Didier Barra, peintres nés à Metz à la fin du XVIe siècle, et installés à Naples pendant la première moitié du XVIIe siècle.

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A droite modèle quasiment philosophique pour ce dessin de l’architecte Étienne-Louis Boullée (1728-1799) réalisé à la fin de sa vie, modèle graphique qui s’inscrit dans les utopies des Lumières.   http://expositions.bnf.fr/boullee/arret/d5/d5-1/d5-1.htm  

Mais aussi pour la fameuse œuvre de Vladimir Tatline (1885-1953), le Monument à la Troisième Internationale, qui date de 1920, une maquette constructiviste qui ne se réalisa jamais.

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Tous ces projets ont en commun une certaine utopie qui renvoie au rêve de Babel, mais le projet démoniaque est inversé et devient celui de l’Utopie libératrice. La tour un simple défi de hauteur ? Toutes les tours des XIXème XXème et XXIème siècles sont de tels défis
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Depuis celle d’Eiffel jusqu’à la course actuelle entre les gratte-ciel d’Asie, Toutes les tours des XIXème XXème et XXIème siècles sont de tels défis Mais les tours ne sont pas indépendantes des villes et celles-ci suscitent à la fois peur et séduction, et renvoient à une folie de la démesure qui rappelle celle de la tour de Babel. Ainsi le film de  Fritz Lang en  1927 « Metropolis »
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ou ce dessin du Hollandais  Maurits Escher (1898-1972) qui date de 1928
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Retour à Babel ?

Je termine par un clin d’œil vers le modèle de Bruegel avec trois images trouvées par hasard sur Internet
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Un montage photographique d’une jeune artiste américaine, Julee Holcombe (née aux E.U. en 1972) qui reconstruit la tour de Bruegel à partir des gratte-ciel poussant sur les friches industrielles.

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Un faux Chagall

       

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Et une vraie illustration du texte biblique

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