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tiepolo

  • LA GUERISON DU PARALYTIQUE

    Je poursuis la publication du travail fait dans le cadre du groupe biblique de la paroisse réformée de Fontainebleau (voir ci-dessous, depuis la page du 17 octobre sur Genèse 3 Quel sacrifice ?)

     

    Le texte de l'évangile de Jean au ch. 5 versets 1 à 18 (voir en bas de page) ne parle pas vraiment d’un paralytique mais la tradition l’a dénommé et donc représenté comme tel. L’étude du texte a montré aussi, que le miracle n’est sans doute pas l’essentiel du message. Il oriente plutôt vers la transgression faite par Jésus en faisant porter un grabat, et en guérissant, c'est-à-dire en travaillant comme seul Dieu peut le faire, un sabbat. Transgression qui mène à la Passion.

     

    Mais l’iconographie se concentre uniquement sur le miracle que les artistes représentent soit avant soit après. Peu mettent en scène le moment de la guérison elle-même, j’ai choisi une œuvre de Quentin Varin (1570-1626).  Cette très grande toile, 343x260 cm, est très peu connue, elle se trouve dans l’église Saint Louis de Fontainebleau.  Le peintre  originaire du diocèse de Beauvais, faisait  partie des cercles princiers de la Réforme catholique française, il a peint plusieurs œuvres pour des églises parisiennes et de rennaises. Cette toile, sans doute son chef d’œuvre, a été offerte à la toute nouvelle église de Fontainebleau, qui dépendait encore de la paroisse d’Avon, en 1624 par le roi Louis XIII.

     

    La guérison du paralytique3.jpg

     La scène correspond au verset 8 : « Jésus lui dit : « Lève-toi, prends ton grabat et marche. « – Et aussitôt l’homme fut guéri ; il prit son grabat et il marchait. » 

    Le peintre reprend les références à la piscine, au portique et au contexte humain « [il] gisait une multitude d’infirmes…»

    Le regard est de suite attiré par la main du Christ, qui est au centre du tableau, Jésus donne la guérison comme Dieu donne la vie.  On reconnaît dans ce geste générateur de vie, celui de Dieu, dans la célèbre création d’Adam par Michel Ange. Et aussitôt le paralysé bondit, il sort de sa civière qui était profonde comme un cercueil, il se relève de son infirmité d’un mouvement qui devient signe de résurrection.

     Deux cercles concentriques rassemblent personnes et actions :

    Le cercle du centre est petit et situé en arrière plan, un homme allongé est soutenu par deux autres qui le descendent dans la piscine afin qu’il soit guéri dès le bouillonnement de l’eau.

    Le second cercle occupe le plan central et toute la largeur du tableau.

    Deux mouvements le dynamisent, à droite, le bras de Jésus qui se tend vers le paralytique, à gauche le malade guéri dont le bras droit soulevant le grabat, est comme attiré par le geste de Jésus..

    Quant au premier plan il montre des malades allongés et écrasés,  en opposition totale à la  puissance du paralysé bondissant, ils semblent n’être que des faire-valoir.

    Le grand cercle enveloppe le petit, comme la Nouvelle Alliance englobe l’Ancienne. Le cercle du fond montre une guérison faite selon les prescriptions de la Loi. Le cercle principal montre le Christ qui tend la main droite et prend à témoin le ciel en le désignant de la gauche, cette fois la guérison est réalisée par le geste et la parole de Jésus. Et ce cercle englobe le premier car l’action de Jésus englobe et dépasse la Loi.

    Les personnages du premier plan, sont-ils seulement des faire valoir ? A gauche un homme mûr, barbu, appuyé sur sa canne et qui ressemble beaucoup à l’ancien paralysé. A droite, un enfant et un personnage imberbe qui peut être un jeune homme ou une femme.

    Peut être sommes nous en présence des trois âges de l’homme, celui qui a passé toute sa vie infirme, et qui maintenant est guéri, relevé, sauvé.

    Mais si le personnage de droite est une jeune femme, une autre lecture est possible, car  la femme est en position d’accouchement. Or l’enfant semble plus vouloir entrer dans le sein de sa mère qu’en sortir, et déjà grand, il reproduit exactement les gestes du paralytique guéri, comme s’il était son double. Cela fait penser à la parole de Jésus à Nicomède : «  A moins de naître d’en haut, nul ne peut voir le Royaume de Dieu. Nicodème lui dit : « Comment un homme peut il naître, étant vieux ? Peut il une seconde fois entrer dans le sein de sa mère et naître ? » Jn 3, 3-4. Par la parole salvatrice de Jésus, le paralytique est « re-né » et l’enfant qui en est son image par les gestes, montre symboliquement cette renaissance en mimant la parole de Nicodème.

     

    Mais avec la piscine le contexte baptismal est évident. Si la scène du fond évoque la pratique liée au temps du Temple, elle peut aussi être transposée dans le nouveau contexte chrétien. L’homme du fond est plongé dans l’eau, il est baptisé, il va renaître comme l’enfant du premier plan, et sera guéri comme l’a été le paralytique. Et à qui est proposé cette nouveauté ? A l’homme malade et prostré du premier plan à gauche, qui ressemble au paralytique comme à un frère, il est celui à qui est offert le baptême de la nouvelle Alliance, hier, aujourd’hui et demain. De narratif et théologique, le tableau devient dévotionnel.

     

     Les représentations de ce miracle sont d’ailleurs dévotionnelles car elles sont souvent  faites pour être placées dans des hôpitaux, pour être méditées par les malades et ceux qui les soignent.


     

     Bartolomeo MURILLO (1617-1682) peint ce  Jésus guérissant le paralytique à la piscine de Bethesda, en  1670 pour la Confrérie de la Charité de Séville. La toile qui me2 Christ-healing-the-Paralytic-at-the-Pool-of-Bethesda-Murillo.jpgsure 237 x 261 cm se trouve à National Gallery  de  Londres 

    La scène se passe en plein air, autour de la piscine, une place magnifique, inondée de soleil, avec de belles colonnades parfaitement dessinées. A droite, un espace vide avec quelques  malades et des gens qui s’apprêtent à les aider, mais pas de foule. Le ciel s’entrouvre et l’ange apparaît annonçant le prochain bouillonnement de l’eau. Une grande diagonale part du ciel vers le paralytique,  une manière de montrer  la miséricorde qui descend sur lui, par l’intermédiaire de Jésus, mais la parole de Jésus anticipe l’action de l’ange.

    Au premier plan,  Jésus est entouré de ses apôtres, ce sont des hommes du 17ème s. un peu moins pour Jésus,  il tend la main vers un malade et  lui parle. Il le regarde intensément, tout comme ses disciples, toute l’attention est tournée vers le malade, vieil homme pitoyable, malade depuis 38 ans,  couché sur son grabat, sa cruche et son écuelle à portée de main.  Jésus l’interroge « veux tu retrouver la santé ? » le malade tend les mains en position d’orant, et explique qu’il ne peut bouger seul pour prendre le bain purificateur. 

    Jésus lui tend la main comme pour le relever. Jésus parle et c’est sa parole qui va accomplir le miracle. La parole est représentée par des gestes et un échange de regards, mais on ne voit rien encore.  Rien de proprement religieux dans ce tableau, seulement la charité et la compassion.


    Au calme de l’œuvre de Murillo, s’oppose l’agitation de celle de Iacopo Nigreti (1550 - 1628) plus connu sous le nom de Palma Giovane.   3 Giovane PALMA ; 1592.jpg

    La toile s’appelle « La piscine probatique » ,  elle date de 1592 ; mesure 109x93 cm, et fait partie de la  Collection Molinari Pradelli, à Castenaso. 

     Cette fois la scène se passe après le miracle, le paralytique part rapidement avec son grabat, l’apôtre Jean le regarde, Jésus le désigne de la main mais il est déjà loin. D’ailleurs Jésus se penche déjà vers un autre malade, une jeune femme. Le peintre interprète le texte : « il gisait une multitude d’infirmes », comme une série de miracles de guérison à venir.

    Les personnages forment un cercle ou un carré dont Jésus est le centre, le paralytique guéri est en haut à gauche, il semble pressé de partir.

     La jeune femme inconsciente sera la prochaine, un vieil homme aveugle (?) s’avance. Au centre la tête lumineuse de Jésus, au sommet de deux diagonales, celle du regard vers la femme malade, celle de la main qui montre la guérison passée. Calmes, les uns écoutent, les autres attendent, ils forment un carré dans lequel Jésus pénètre.

    Au fond à droite, règne une agitation certaine, est ce en rapport avec le tourbillon qui va venir ? Est ce pour cela  la femme nue, si blanche, s’agite, telle une possédée ?

    Deux espaces l’un agité et inefficace lié à la piscine probatique, l’autre calme et salvateur celui de la Parole du Christ. Mais dans les deux espaces, toute la richesse humaine des regards qui s’échangent.

     


    Ce « Jésus guérissant le paralytique de Bethesda » est de   Giandomenico TIEPOLO 1727 – 1804 le fils du grand  Gianbattista. Cette œuvre de 112 x 179 cm, est au Mus »e du Louvre.4 tiepolo.JPG

    On ne voit pas la piscine, et l’ange du premier plan donne le seul mouvement dans une composition faite de trois bandes parallèles statiques. Le contexte semble oublié,  à gauche on distingue un buste de Tibère, avec l’inscription TIBERIUS CAESAR, cela ajouté à la colonnade romaine, éloigne de Jérusalem. Quant aux malades et à la foule, tous sont habillés comme au XVIIIème s., on voit même à gauche une femme agenouillée, portant une coiffe. A l’inverse l’ange montre Jésus comme fils de Dieu, homme du miracle,  nimbé de lumière, vêtu à l’antique de couleurs éclatantes.

     

    Le miracle a eu lieu, le paralytique part sur la droite, personne ne le regarde, tous sont tournés vers Jésus qui à nouveau dans cette ville italienne peut faire des miracles comme il y dix sept siècles.

     

     Les paralytiques portent leurs grabats, pourquoi sont-ils si gros et si lourds ?

     

    5 Peintre néerlandais inconnu; entre 1560 et 1590,.jpgCette  peinture d’un peintre néerlandais inconnu entre 1560 et 1590,  n’est pas dans le contexte de la piscine de Béthesda, mais dans celui du paralytique des évangiles synoptiques (Marc 2 et Luc 5), on voit la maison dont le toit a été percé, mais ce sont les mêmes mots du Christ et le même grabat.

     

    Un homme sain, un homme fort, qui porte son grabat en signe de libération. Il était écrasé par sa maladie, ses péchés, maintenant il en est libéré, mais il peut porter le signe de sa douleur passée.

     

    Le Christ porte sa croix de la même façon, à son tour l’homme porte sa croix, mais comme  pour le Christ, la croix devient le signe de la victoire sur la mort.

     Plusieurs lectures pour un signe fort.

     

     Evangile selon Jean 5, 1-18 traduction TOB

     Après cela et à l'occasion d'une fête juive, Jésus monta à Jérusalem. Or il existe à Jérusalem, près de la porte des Brebis, une piscine qui s'appelle en hébreu Bethzatha. Elle possède cinq portiques, sous lesquels gisaient une foule de malades, aveugles, boiteux, impotents. [qui attendaient l'agitation de l'eau, car à certains moments l'ange du Seigneur descendait dans la piscine ; l'eau s'agitait et le premier qui y entrait après que l'eau avait bouillonné était guéri quelle que fût sa maladie.] Il y avait là un homme infirme depuis trente-huit ans.

    Jésus le vit couché et, apprenant qu'il était dans cet état depuis longtemps déjà, lui dit : «  Veux-tu guérir ? » L'infirme lui répondit : «  Seigneur, je n'ai personne pour me plonger dans la piscine au moment où l'eau commence à s'agiter ; et, le temps d'y aller, un autre descend avant moi. « Jésus lui dit : «  Lève-toi, prends ton grabat et marche ». Et aussitôt l'homme fut guéri ; il prit son grabat, il marchait. Or ce jour-là était un jour de sabbat.

    Aussi les Juifs dirent à celui qui venait d'être guéri : «  C'est le sabbat, il ne t'est pas permis de porter ton grabat ». Mais il leur répliqua : «  Celui qui m'a rendu la santé, c'est lui qui m'a dit : « Prends ton grabat et marche. » Ils l'interrogèrent : «  Qui est cet homme qui t'a dit : «  »Prends ton grabat et marche »  ?  Mais celui qui avait été guéri ne savait pas qui c'était, car Jésus s'était éloigné de la foule qui se trouvait en ce lieu. Plus tard, Jésus le retrouve dans le temple et lui dit : «  Te voilà bien portant : ne pèche plus de peur qu'il ne t'arrive pire encore ! »  L'homme alla raconter aux Juifs que c'était Jésus qui l'avait guéri.  Dès lors, les Juifs s'en prirent à Jésus qui avait fait cela un jour de sabbat.  Mais Jésus leur répondit : «  Mon Père, jusqu'à présent, est à l’oeuvre et moi aussi je suis à l’œuvre ».  Dès lors, les Juifs n'en cherchaient que davantage à le faire périr, car non seulement il violait le sabbat, mais encore il appelait Dieu son propre Père, se faisant ainsi l'égal de Dieu.