UNE HISTOIRE BANALE
Luc 15, 11-13 « Un homme avait deux fils. Le plus jeune dit à son père : “Père, donne-moi la part de bien qui doit me revenir.” Et le père leur partagea son avoir. Peu de jours après, le plus jeune fils, ayant tout réalisé, partit pour un pays lointain et il y dilapida son bien dans une vie de désordre.
Qu’un fils demande sa part d’héritage, qu »il parte puis revienne ruiné… cette histoire est assez banale et on peut la traiter comme telle
Le départ du fils prodigueJean Baptiste Scotin le Jeune (1671-1716) gravure
La question de l’héritage est sensible au 17e s.
Le fils prodigue, Joyeuse compagnie ; Gerrit van Honthorst ;1623 huile sur toile, 125 x 157 cm, Staatsgalerie, Schleissheim
Une occasion de peindre l’ivresse et les filles
La misère et la conversion du fils
Luc 15 , 14-19 Quand il eut tout dépensé, une grande famine survint dans ce pays, et il commença à se trouver dans l’indigence. Il alla se mettre au service d’un des citoyens de ce pays qui l’envoya dans ses champs garder les porcs. Il aurait bien voulu se remplir le ventre des gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui en donnait. Rentrant alors en lui-même, il se dit : “Combien d’ouvriers de mon père ont du pain de reste, tandis que moi, ici, je meurs de faim ! Je vais aller vers mon père et je lui dirai : Père, j’ai péché envers le ciel et contre toi. Je ne mérite plus d’être appelé ton fils. Traite-moi comme un de tes ouvriers.”
Le fils prodigue, Albrecht DURER, 1496 ; gravure ; il y a 2 versions
Prière du fils vers le Père du ciel mais le contexte est marqué et les porcs cernent le fils
Le fils prodigue, RODIN , bronze avec patine noire, 1886, 55 cm
Mouvement de détresse face ou contre Dieu ?
Le fils prodigue Puvis de Chavannes, 1824-1898, huile 1879 , 100 x 147 cm ; Chester Dale collection
Méditation intérieure ; repli sur soi
Le fils prodigueBaccio Maria Bacci 1888-1974; huile sur toile ; 1925; 70,5 x 60 cm; Civico Museo d’Arte Contemporanea, Milan
Méditation à propos des porcs, comme dans le texte
ACCUEIL DU PERE
Luc 15, 20 – 24 Il alla vers son père. Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut pris de pitié : il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers. Le fils lui dit : “Père, j’ai péché envers le ciel et contre toi. Je ne mérite plus d’être appelé ton fils…” Mais le père dit à ses serviteurs : “Vite, apportez la plus belle robe, et habillez-le ; mettez-lui un anneau au doigt, des sandales aux pieds. Amenez le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons, car mon fils que voici était mort et il est revenu à la vie, il était perdu et il est retrouvé.”
ACCUEILLIR C’EST VETIR
'Speculum humanae salvationis', Cologne, c. 1450
dessin à la plume, coloré; Museum Meermanno Westreenianum, La Haye
Fils nu en signe d’humilité, comme pour les condamnés qui demandent pardon en public
Le retour du fils prodigue; Pompeo Batoni ; 1773 huile sur toile, 138 x 100,5 cm Kunsthistorisches Museum, Vienna
Fils nu entre se blottit sous le manteau du père
Le fils prodigue
Guercino (1591-1666); 1619, huile sur toile, 107 x 143.5 cm
Kunsthistorisches Museum, Gemäldegalerie
Importance du mouvement des mains, le fils se dévêt, le père tend la main vers la nouvelle chemise, les mains se croisent mais pas les regards, très maniériste mais le fils aîné tend des chaussures … pour repartir
LE MOUVEMENT D’ACCUEIL
Le retour du fils prodigue , Bartolomeo MURILLO ; 1670, huile; National Gallery of Art, Washington
Mise en scène où tous les éléments et personnages se retrouvent. Mouvement du père qui enserre le fils, à comparer avec Rembrandt, échange des regards
Le retour du fils prodigue; Leonello SPADA (1576 - 1622), 17eme siecle. Huile sur toile. 1,60 1,19m. Paris, Musée Du Louvre
Gros plan sur la relation, fils très jeune, le père l’entoure de ses bras et le regarde avec certaine sévérité
Le retour du fils prodigue; Guerchin dit Il Guercino (1591-1666) 1617 Turin, Galleria Sabauda
Composition en mouvement dans cadre dynamique : partie gauche et diagonale inversée, du haut vers bas , le père se précipite, fils ne bouge que les bras. Perspective très accentuée et faussée par l’escalier, mais le point de fuite tombe sur le fils aîné !
Le retour du fils prodigue, Lucio MASSARI 1569-1663; huile, 1614, Pinacothèque de Bologne
Maniérisme ; même mouvement mais composition inversée par la diagonale et vue en plongée, plus de compassion pour le père. Le fils aîné arrive à cheval et interroge
REMBRANDT
Le retour du fils prodigue, REMBRANDT, huile sur toile 206x 262cm, 1663- 1669 , Ermitage
Méditation de Paul Baudiquey devant l’oeuvre de Rembrandt : « le retour du fils prodigue ».
L’homme qui a peint le « retour du prodigue » est un homme sans façade. Un homme lavé de toute parole vaine. L’œuvre est immense. Elle s’ouvre sur l’espace d’une confidence unique dans toute l’histoire de l’art occidental.
« C’est le premier portrait « grandeur nature » pour lequel Dieu lui-même ait jamais pris la pose. »
Rembrandt meurt en 1669, Ses dernières œuvres sont 1663 1669 : Le Retour du fils prodigue (Musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg) et 1669 Siméon au temple inachevé
Ensemble : quelle attitude ?
Fils complètement de dos, mais couple décentré , horizon au niveau des mains , un corps à corps mais statique
Le père : en majesté, massif mais fragile par son maintien et son visage
voûté comme arc roman, ses bras créent un ovale, une mandorle divine , mais aussi ovale géniteur de la femme, le Père divin reçoit et donne naissance
il a un visage d’aveugle, il pleure ? comparaison avec évangéliste Matthieu 1661 et prophète Siméon 1669 inachevé , un vieux juif
Le fils : puissant , « cou de bagnard, vêtement de tempête » , une sorte de naufragé qui se retrouve au port
les mains grandes mais différentes, elles abritent, accouchent… car le fils se perd dans le ventre , il en sort comme un nouveau né
Les autres personnages
Enigmatique mais nombreux, tous tournés vers le fils
2 servantes, 2 hommes dont le fils en rouge, stupéfait calmes méditatifs pas de récrimination, spectateurs comme nous
ACTUALISER LA PARABOLE
James Jacques Joseph TISSOT 1836, Nantes - 1902, Buillon (Doubs)
Vit à Londres entre 1871-1882 jusqu’à mort de sa compagne Kathleen Newton
Conversion en 1888, il se tourne alors vers l’aquarelle biblique
Parabole du Fils prodigue, série de 4 tableaux vers 1880 , huile sur toile, chacun de 86,3 x 116,2 cm, Musée des Beaux-Arts de Nantes prêt du Musée du Luxembourg en 1914, suite à legs de 1904
Il campe la série dans le monde moderne, au bord de l'eau à Nantes
Le départ
Le"Départ"se situe près d'une bow-window. La lumière mordorée et les détails de nature morte (fleurs, coquillages, chat) rappellent l'intérêt de Tissot pour les Flamands. On reconnaît à gauche Kathleen Newton, une sœur du fils prodigue
Le fils cadet domine : il est agressif par sa pose, il se saisit d’un portefeuille l’aîné rêve, Le père discute
En pays étranger
Deuxième épisode de la série, l'oeuvre rappelle la passion de Tissot pour le Japon. A nouveau composition verticale mais cette fois ce sont les plaisirs qui dominent
Le retour
Le port de Nantes, le plancher luisant sert de scène pour un épisode poignant. A droite, on reconnaît Kathleen Newton et le frère du fils prodigue. A gauche, les cochons d’un débarquement, dont le fils était. Le traitement des navires témoigne de la fascination de Tissot par la mer. Composition toujours verticale mais cette fois c’est le père qui domine,
Tissot est un rare peintre à traiter la dernière partie sur le fils aîné
Luc 15, 25-32 « Et ils se mirent à festoyer. Son fils aîné était aux champs. Quand, à son retour, il approcha de la maison, il entendit de la musique et des danses. Appelant un des serviteurs, il lui demanda ce que c’était. Celui-ci lui dit : “C’est ton frère qui est arrivé, et ton père a tué le veau gras parce qu’il l’a vu revenir en bonne santé.” Alors il se mit en colère et il ne voulait pas entrer. Son père sortit pour l’en prier ; mais il répliqua à son père : “Voilà tant d’années que je te sers sans avoir jamais désobéi à tes ordres ; et, à moi, tu n’as jamais donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. Mais quand ton fils que voici est arrivé, lui qui a mangé ton avoir avec des filles, tu as tué le veau gras pour lui !” Alors le père lui dit : “Mon enfant, toi, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. Mais il fallait festoyer et se réjouir, parce que ton frère que voici était mort et il est vivant, il était perdu et il est retrouvé.” »
Dernier épisode de la série,"Le Veau gras" est peut-être plus autobiographique. Alors que le fils prodigue partage le repas, son frère qui revient de sortie, demande au père la raison de cette faveur,
La scène est divisée en deux: à gauche l'intimité familiale avec le père et la soeur (K.Newton), à droite le fils aîné portant le canotier de Henley très chic club londonien auquel appartenait Tissot. Cette fois diagonale domine et la scène n’est plus à contre jour
Cette mise en scène suggère que le fils aîné reproche à son père de ne pas avoir été invité, pourquoi était il si pressé de fêter le retour du cadet ? la jalousie devient celle d’un fils qui lui aussi aimerait être reconnu comme perdu pour être reconnu
Tissot se voyait-il comme un enfant perdu? Tissot songeait-il déjà à rentrer en France?