Ce récit est tiré de l'évangile selon saint Luc, au chapitre 16, versets 19 à 31.
19« Il y avait un homme riche qui s’habillait de pourpre et de linge fin et qui faisait chaque jour de brillants festins. 20Un pauvre du nom de Lazare gisait couvert d’ulcères au porche de sa demeure. 21Il aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la table du riche ; mais c’étaient plutôt les chiens qui venaient lécher ses ulcères.
22« Or le pauvre mourut et fut emporté par les anges au côté d’Abraham ; le riche mourut aussi et fut enterré. 23Au séjour des morts, comme il était à la torture, il leva les yeux et vit de loin Abraham avec Lazare à ses côtés. 24Alors il s’écria : “Abraham, mon père, aie pitié de moi et envoie Lazare tremper le bout de son doigt dans l’eau pour me rafraîchir la langue, car je souffre le supplice dans ces flammes.” 25Abraham lui dit : “Mon enfant, souviens-toi que tu as reçu ton bonheur durant ta vie, comme Lazare le malheur ; et maintenant il trouve ici la consolation, et toi la souffrance. 26De plus, entre vous et nous, il a été disposé un grand abîme pour que ceux qui voudraient passer d’ici vers vous ne le puissent pas et que, de là non plus, on ne traverse pas vers nous.”
27« Le riche dit : “Je te prie alors, père, d’envoyer Lazare dans la maison de mon père, 28car j’ai cinq frères. Qu’il les avertisse pour qu’ils ne viennent pas, eux aussi, dans ce lieu de torture.” 29Abraham lui dit : “Ils ont Moïse et les prophètes, qu’ils les écoutent.” 30L’autre reprit : “Non, Abraham, mon père, mais si quelqu’un vient à eux de chez les morts, ils se convertiront.” 31Abraham lui dit : “S’ils n’écoutent pas Moïse, ni les prophètes, même si quelqu’un ressuscite des morts, ils ne seront pas convaincus.” »
Les œuvres représentant la scène portent le titre de « Le riche et Lazare », ou « Le mauvais riche et Lazare » ou encore « Dives et Lazare ». C’est donc le riche qui est qualifié ou dénommé alors que l’évangile ne dit rien de lui. Le nom de Dives correspond au surnom de « richard » en bas latin.
LE RICHE
BONIFACIO VERONESE Dives et Lazare, 1540 , huile sur toile, 204 x 436 cm Gallerie dell'Accademia, Venise
Un monde horizontal
Une très belle scène de plaisir aristocratique: une terrasse qui s’ouvre sur un vaste parc avec plusieurs scènes secondaires
Le riche est discret dans son attitude et son habit mais entouré par la beauté
Beauté : musique, architecture, jardin et femmes
Lazare, mendiant marginal, discret, le chien noir le renifle, le chien blanc l’ignore ; il tient une crécelle signe de sa lèpre
Domenico FETTI 1589 – 1623 The Parable of Lazarus and the Rich Man
1618/1628 oil on panel 61.6 x 45.4 cm Région Aquitaine, Inventaire général, Michel Dubau, 2007
Un monde vertical, importance du ciel mais il est vide
Inversion du rapport architectural , contre plongée
Beauté comme ci-dessus mais plus de richesses : vaisselle, statuaire, serviteurs
Lazare discret, humble, il est sous statue de l’Abondance,
Le serviteur armé d’un gourdin est une invention iconographique pour créer une relation de violence et de méchanceté entre le riche et Lazare
Que fait le serviteur du 1er centre avec son bassin, et son aiguière ? simple référence aux ablutions juives ou rappel du lavement des pieds pour montrer comment Jésus se fait le serviteur des pauvres
Leandro BASSANO, Dives and Lazarus. 1595 Oil on canvas, 100 x 123 cm
Private collection
Autre milieu social, aucun raffinement mais abondance de nourriture donc le riche est un goinfre gourmand , la musique est secondaire
Monde clos mais la fenêtre s’ouvre sur ciel menaçant
Lazare assis recueille les miettes mais le serviteur va le battre ; à gauche un petit singe « singe » véritablement Lazare
Franz FRANCKEN 1542 - 1616
Huile sur toile 58x 79 cm
Deux mondes séparés, et qui s’ignorent, vue plongeante
Dans la maison : les riches, abondance et élégance
Dans le jardin : Lazare battu par le serviteur
Entre les 2 la servante va vers les riches
Au fond, en tout petit, on voit la suite : à gauche mort de Lazare et réception dans le sein d’Abraham, à droite maladie du riche
Gerard HORENBOUT, 1510-20
Miniature médiévale; Paul Getty Museum
Une famille noble dans son château fort : richesse et ostentation : dais, oiseau tropical et singe
une vraie scénette : Lazare frappe à la porte et salue, les chiens accourent, un serviteur se retourne, les autres ignorent
En bas la suite : Lazare meurt, les anges emportent son âme
LAZARE
Lazare le lépreux, isolement, sorte de mort vivant
Ladre, le nom vulgaire donné au pauvre Lazare, de la parabole évangélique, souvent confondu avec saint Lazare ; Lazare vient mendier auprès du mauvais riche. Il tient une cliquette, instrument formé de plusieurs lames de bois réunies sur un manche, produisant un son sec lorsqu’on les agite.
Le Lazare de la parabole est confondu au MA au Lazare frère de Marthe et Marie de l’évangile selon Jean. Au Moyen Âge on en fit le patron des lépreux (à l'origine du lazaret), Son nom correspond à l'hébreu אלעזרʾelʿazar (« Dieu a secouru »).
Il a existé un Ordre de St Lazare ou ordre des hospitaliers de Saint-Lazare de Jérusalem, pour les chevaliers lépreux.
A Paris l'enclos Saint-Lazare dès 1110: « c'était un hôpital de lépreux, sous l'invocation de Saint-Ladre ou Saint-Lazare »
Au 17e s. c’est à Saint-Lazare que Vincent de Paul s’installe d’où le nom de Lazaristes donné aux prêtres de sa congrégation.
John Everett MILLAIS 1829 - 1896
peintre britannique célèbre pour son Jésus travaillant dans la maison de ses parents
Drawing Watercolor and gouache on off-white wove paper
14.1 x 11 cm Harvard Art Museums
Solitude de Lazare devant la maison en fête, il n’est pas chassé mais ignoré, beau vieillard pas malade, les chiens en ont pitié, la violence est éloignée , une sorte de philosophe qui ignore ce qui se passe dans son dos, séparation par muret et flaque d’eau, sorte de Diogène
Fedor BRONNIKOV 1827 1902 peintre russe religieux
Peinture 1886
Cadre antique égyptien
Jeu sur l’opposition entre bas et haut, ce qui sera renversé à la fin de la parabole
En haut : la fête, couleurs, lumière, sons. En bas de l’escalier, Lazare abandonné, tombé mais pas misérable
L’enfant descend et le regarde, compassion ? aide ?
Hendrick TER BRUGGHEN peintre hollandais 1588 1629 La Parabole du mauvais Riche et du pauvre Lazare, Bordeaux, église Saint-Ferdinand puis musée des Beaux arts
Monde clos et sombre, aucune richesse : au fond un homme mange un poisson donc loin des autres
Lazare maigre et nu, les chiens sont faméliques aussi, le serviteur écoute, il a de la compassion mais lui indique la sortie
Au fond une femme entend et se retourne
Nous sommes loin de la parabole, peinture pour un établissement caritatif de sa ville natale d’Utrecht. Scène de charité ?
Briton RIVIERE 1840 – 1920 peintre anglais d’origine huguenote , peintre animalier
Gravure
Lazare a disparu , enroulé dans son manteau , il est chosifié, mort ou vivant, les chiens ne sont pas agressifs, il n’y a plus qu’eux pour s’en occuper, l’un hurle vers ses maîtres
LA PARABOLE COMPLETE
Enluminure anonyme 1035-1040 (31 × 22 cm) —Germanisches Nationalmuseum, Nuremberg
3 registres : lecture de haut en bas donc ciel au centre
Celle du haut montre un Lazare lépreux donc qui reste devant la porte, le riche (famille sobre) semble lui faire porter un bouillon !!
Celle du centre : mort et arrivée au paradis avec Abraham et les arbres du jardin d’Eden
Celle du bas : mort du riche devant sa famille, son âme en enfer
Parallélisme entre Paradis et Enfer
Enluminure du Musée de la Haye
2 registres : la maison bourgeoise, famille et serviteurs à la mode, Lazare arrive avec sa crécelle, un serviteur le repousse
Scène du bas est plus intéressante car l’âme est présentée au jugement de Moïse qui vérifie la Loi, c’est donc sur elle que se fait le jugement !
Le riche est conduit en enfer, et il clame pour que son frère soit prévenu
Bible de Julius Schnorr von Carolsfeld -
Une belle composition avec inversion Gauche /Droite qui est temporelle
et Haut /Bas qui est spirituelle, le monde inversé
à noter la connotation antique romaine du riche qui boit entouré de femmes dénudées , celle du centre étant la charnière des 2 mondes
Bernard ORLEY; Le dîner de l'homme riche, sa torture en enfer et Lazare dans le sein d'Abraham; 1521, huile sur bois; diptyque 174 x 80 cm (chaque volet) ; Musées Royaux des Beaux-Arts, Bruxelles
Les personnages des deux panneaux de ce retable, sont grands en bas, et rapetissent en allant vers le haut.
Le panneau de gauche se lit de bas en haut : un serviteur sortant de la maison découvre un homme qui meurt, alors que ses maîtres qui dînent à l’intérieur ne s’aperçoivent de rien, deux anges emportent déjà l’âme du défunt au ciel.
Le panneau de droite est divisé en trois scènes plus indépendantes. En haut on Lazare et Abraham Au centre un malade agonise entre sa femme et son médecin, dans la maison où il festoyait sans doute tout à l’heure. En bas, dans l’obscurité, au milieu de bêtes immondes, un homme nu se tord de douleur
Les différentes scènes s’animent grâce aux regards croisés. Celui du serviteur se porte vers Lazare, dont les yeux vides se tournent vers son âme portée au ciel, ce double mouvement est complètement ignoré par le maître de la maison qui n’est préoccupé que par son repas. Sur le panneau de droite un autre regard part de l’âme du riche qui est en enfer et se tourne vers le ciel. Ainsi les scènes du milieu des panneaux, le repas et la mort du riche, sont tenues à l’écart de ce qui est important, à savoir la relation à Dieu.
Pour l’enfer le peintre a abandonné quelques éléments traditionnels au profit de la mimique du damné montrant sa bouche en feu, ce qui est particulièrement parlant. Les deux corps de Lazare à gauche et du riche à droite sont en parfaite symétrie, mais face au superbe corps d’athlète du riche, on pourrait s’attendre à un corps plus décharné pour le pauvre Lazare.
Le panneau présenté ici s’ouvre, le peintre, voulant associer Lazare et Job, a nommé l’ensemble : « triptyque de la vertu de Patience », il est ici fermé, il montre en s’ouvrant l’histoire de Job, l’homme qui se rebelle contre l’ idée de rétribution qui semble triompher dans cette parabole