Le récit de Samson est tiré du Livre des Juges qui sont des chefs Hébreux avant les rois. Samson ou Shimshon signifie en hébreu « petit soleil ».
Son histoire est célèbre surtout à cause de Dalila, mais ce héros a été compris par les Pères de l’Eglise comme une image du Christ, alors qu’aujourd’hui nombre de théologiens le voient plutôt comme un héros négatif.
1 SAMSON ET DALILA
Il est légitime d’en faire une histoire d’amour : « Samson aima cette femme ». Avant Samson voyait, désirait et prenait des femmes dont on ne connaissait pas le nom, maintenant il aime une femme, qui s'appelle Dalila. Samson révèle son secret à Dalila et lui donne son âme et son cœur, et se livre ainsi à elle, d’où la mise en scène de la trahison.
Samson et Dalila : les amants et la trahison
Rubens 1609 huile de 185x205; National Gallery Londres
La tendresse amoureuse et la trahison brutale semblent ici inséparables
Samson est un héros antique, nu et athlétique.
Dalila est une courtisane aux charmes éclatants : peau, cheveux, poitrine, parure.
L’espace est clos, richement décoré, tapis, tenture, allusion à l’amour avec statue de Vénus, mais aussi espace vénal avec la matrone qui surveille
La pose des 2 amants est sensuelle et suggestive, le tissu rouge est encore plus sensuel que la nudité des jambes d’abord dessinée.
Moment dramatique, l’homme coupe les cheveux, vraie scène de chirurgie, de castration
et les soldats entrent, mise en scène théâtrale avec violence des lumières et rideau de scène.
Van Dyck en 1630, 148x237, Dulwich Picture Gallery
Il s’inspire beaucoup de Rubens mais en inversant la composition. La mise en scène est moins érotique car le lieu n’est plus clos et Dalila tout à fait consciente et distante. La lumière rend aussi l’arrestation moins dramatique mais le géant qui se précipite sur Samson en fait une victime
Rubens a peint la même année une arrestation de Samson qui évoque cette violence de l’arrestation, et van Dyck a aussi repris la scène mais en donnant une signification beaucoup plus sentimentale aux deux amants
REMBRANDT huile de 1628, 45x61cm, Coll. privée
Le Samson de Rubens était nu, Rembrandt l’habille richement, lui donne cette splendeur qu’il est sur le point de perdre. Ce vêtement est d’or, il est enveloppé par celui de Dalila, qui est bleu nuit et étoilé, la nuit va englober la lumière du soleil.
L’espace est assez vague et le décor comme les pieds nus des héros, s’opposent à la beauté des vêtements.
La pose de Samson est autant celle d’un amant que celle d’un enfant qui se laisse aller contre le sein maternel, mais il reste un héros viril par son sabre bien éclairé
Au lieu de la troupe, R ne montre qu’une tête de soldat mais fortement armé. Moment décisif : le chef des Philistins descend la dernière marche de l’escalier de bois, et si elle craquait ? Le soldat manifeste son anxiété : petite lueur de son œil, geste involontaire de précaution
La lumière met en relief les 2 hommes armés, l’un au repos, l’autre en action, on est loin des cheveux, de la lutte est ouverte, et c’est la figure éclairée de Dalila qui fait le lien, qui permet l’agression.
Mais Dalila peut aussi être rapprochée de Judith ? La coupe des cheveux par l’héroïne devient une décollation simulée
Le Caravage Samson et Dalila 1615 80x53 fait penser à sa Judith et Holopherne 1598
Le parallélisme est frappant, mais le moment de Dalila précède celui de Judith. L’anecdote l’emporte sur le drame, la dimension érotique est faible
La Bible des Septante traduit l’hébreu par « il rase », ce sera donc la version surtout catholique, sauf ici, mais les Protestants traduisaient plutôt « Dalila rase »
Gerrit vanHonhorst, (1592 – 1656); 1615 Huile sur toile ; 1,29 x 0,94 cm, The Cleveland Museum of Art
MatthiasStomer, (Stom) (c.1600-p.1650); Palazzo Barberini, Rome,
Dalila et sa servante mettent beaucoup de soin à couper les cheveux.
Ces assimilations accentuent la trahison de Dalila en faisant disparaître tout rapport amoureux.
Une autre approche plus tragique est celle de Rembrandt dans son :
L’aveuglement de Samson 1636, 236x302 ; Musée de Francfort
Samson qui a été surpris dans les ténèbres de son sommeil (vin et sexe), est aveuglé et ne verra plus jamais rien. Férocité générale
La scène est dans une chambre (vase de gauche, draps) mais vue comme grotte, il est tiré vers lumière au moment où il devient aveugle. La lumière vive domine, intense, elle montre le bras de Dalila à travers sa manche. Les cheveux font le lien entre les 2 personnages.
Le mouvement des soldats est désordonné, Dalila s’enfuit vers la gauche alors que le corps de Samson tombe à droite
Triple anéantissement de Samson : sexuel, oculaire et musculaire
Oculaire : il est aveuglé par le poignard, il « regarde » Dalila qui lui jette un dernier regard
Musculaire : il est écrasé par la force, comme un cerf entouré par meute de chiens, mais la raison en est la touffe de cheveux que porte Dalila.
Sexuel : lui l’amant est trahi par la femme, castration symbolique par la pertuisane du soldat et les ciseaux de Dalila
On a quitté le récit, l’anecdote pour peindre la souffrance (torsion de ses pieds, rictus de la bouche…) et l’aveuglement
Près de 300 ans plus tard Lovis Corinth 1858-1925 a peint ce Samson aveugle, 1912, Berlin
Plein de lumière au début, Samson finit les yeux crevés, dans les ténèbres d'une prison.
Cette sorte d’icône de la douleur prend une dimension christique (le peintre a aussi fait un Ecce homo célèbre)
D’une façon formelle la scène de l’arrivée des Philistins par la trahison de Dalila, peut évoquer la trahison de Judas et l’arrestation de Jésus au Jardin des Oliviers, certains rapprochent même le baiser de Judas à celui de Dalila
2 Les représentations traditionnelles tendent à faire de Samson une image christique
Annonciation, naissance, circoncision…
Nicolas de Verdun, en 1181, a réalisé 51 plaques en champs levés sur cuivre, pour un autel de 460 cm, église des Augustiniens de Klosterneuburg, en Autriche (cliquer sur les vignettes)
Il met en parallèle Samson et Jésus (et aussi Isaac, lui aussi image de Jésus) Justement car le récit de l’annonciation de la naissance de Jean Baptiste à Zacharie de Luc s’inspire beaucoup de celle de Samson
La circoncision n’est pas indiquée pour Samson mais les Philistins sont des « incirconcis »
Combat avec le lion Juges ch. 14
Un lion s'étant précipité sur Samson, celui-ci le tua comme un chevreau
Samson tue le lion (Rubens) comme Hercule (vase grec antique) et comme David Samson figure solaire comme le héros grec Héraclès dont on peut noter les ressemblances multiples. D'ailleurs des commentateurs n'hésitent pas à voir dans le cycle de Samson une histoire née du côté des Philistins, indo européens, pour avoir été ensuite importée par la tribu israélite de Dan voisine des philistins, celle précisément de Samson.
Pour les Pères de l’Eglise, Samson signifie le Christ qui tue le lion, c'est à dire le diable et qui libère les hommes de son pouvoir
La force prodigieuse de Samson utilisée pour combattre l'ennemi peut trouver un parallèle dans le pouvoir de Jésus de chasser les démons.
La lutte contre le lion gardien du territoire des ténèbres (14.5-9) peut illustrer le combat de Jésus contre Satan.
En repassant devant le cadavre du lion, Samson découvre un essaim d’abeilles et du miel, d’où l’énigme qu’il pose aux invités de son mariage « De celui qui mange est issu ce qui se mange, et du fort est issu le doux. »
Le miel et l’abeille, renvoi à la miséricorde du Christ en raison de la douceur du miel et à la résurrection car elle hiberne et Jésus disparaît pdt 3 jours avant de ressusciter.
La peinture des Catacombes montre les 2 aspects du lion : le combat victorieux contre le mal et la victoire de la miséricorde du Christ
La mâchoire d’âne qui lui permet de « rosser » les Philistins Jg 14, 16 à 19
Le combat est souvent représenté, ici sur un émail de la Renaissance, la mâchoire d’âne a tendance à envahir d’autres récits, ici chez Cranach, mais on la trouve aussi chez Caïn tuant Abel
Le tableau de Reni n’est compréhensible que par la traduction de la Vulgate (bible en latin de St Jérôme) le texte dit « Dieu fendit la cavité qui est à Lethi, il en sortit de l’eau »
Il s’agit d’une cavité dans le rocher mais la Vulgate la voit comme une alvéole dentaire de la mâchoire ...
Samson se libérant en enlevant les Portes de Gaza = Jg 16, 3 la scène est vue comme la résurrection du Christ
Miniature musée Condé
Samson détruisant le temple de Dagon
Gravures d’une bible allemande du XIX et de Chagall, les cheveux ont repoussés, Samson est fort et plein de haine dans la bible allemande, Chagall lui fait lever la tête vers le Ciel
On retrouve ici toute l’ambiguïté du texte et du personnage
"Seigneur , souvenez-vous de moi, je vous prie, et donnez-moi de la force cette fois seulement, ô Dieu. afin que d'un seul coup je me venge des Philistins pour mes deux yeux." Jg 16, 28