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LA TRANSFIGURATION

 

La Transfiguration est un passage que l'on trouve dans les 3 évangiles synoptiques, Matthieu, Marc et Luc, mais je donne ici le texte de Luc et sa suite qui raconte la guérison ratée d'un enfant épileptique par les apôtres Luc 9, 28-36 puis 37-42 (voir en bas de page)

Cette suite est nécessaire pour comprendre le chef d'œuvre de Raphaël appelé la Transfiguration, une huile sur bois, de 4 m x 2,80 qui se trouve au Musée du Vatican.

1 raphae49 Transfiguration 1520.jpg 

La composition de la Transfiguration montre deux parties distinctes : le miracle du garçon possédé dans la partie basse et la Transfiguration du Christ sur celle du haut.

Dans la partie supérieure.
Sur une montagne représentée par un monticule de terre, le Christ est transfiguré dans une aura de lumière et de nuages, il est en lévitation, il flotte au-dessus de la colline, accompagné de Moïse et Elie, eux aussi en lévitation.
Jésus est vêtu de blanc, les hanches larges, le drapé flottant, une vive lumière blanche l'entoure...
il est accompagné d'un vent, surnaturel, visible dans les drapés d’Elie et de Moïse ainsi que dans leurs cheveux. Ses bras tendus sont ceux d’un orant, mais certains y voient la croix future. Lumière, souffle, nuages... sont des éléments pour traduire la « nuée » qui marque la présence de Dieu.
Moise et Elie
sont debout et regardent la nuée, ils ne font rien, et ne parlent à personne. On les distingue mal, Moïse semble être à gauche.
Les trois apôtres sont aveuglés, ils ne voient rien, ils sont pris dans un double mouvement : écrasés mais emportés par le souffle divin , surtout Pierre au centre et Jean à droite, Jacques est prostré.

La partie basse nous ramène sur terre. Une foule de 19 personnes est divisée en deux groupes par un grand vide oblique, mais le croisement des regards maintient l’unité. C'est ce vide qui marque l’absence de communication entre les deux groupes.
A droite, tous entourent un jeune garçon possédé, soutenu par son père vêtu de vert,
L'enfant a les bras écartés, un vers le ciel, l'autre vers le sol, les yeux révulsés. C'est un vrai enfant malade.
La foule qui entoure l’enfant , son père , sa mère , le désignent, tous regardent et interrogent les apôtres qui sont à gauche, la paume ouverte et tendue d'un homme se tourne vers le ciel, en supplication.

À gauche les neuf apôtres, qui ne parviennent pas à guérir l’enfant, sont pris également de panique, lisible dans leurs gestes, leurs regards, leurs mimiques... Une main ouverte marque la stupeur , deux autres dressées vers le Ciel l'invoquent et rejoignent ainsi celle de l'homme de droite dont la main suppliait le ciel.
Au centre : La jeune femme de dos, est très belle, vêtue à l’antique, à genoux, elle fait le lien entre les deux groupes, ce peut être Marie de Magdala, guérie des 7 démons, elle témoignerait du miracle accompli sur elle par Jésus, manifestant ainsi l'impuissance des apôtres.

Quel est le rapport entre ces deux scènes ?
Il n'y a pas d’unité spatiale, les 2 groupes ne se voient pas,
cela rend compte du texte qui insiste sur la concomitance entre la théophanie du haut et l'impuissance du bas . L'unité est narrative et temporelle.
Notre regard passe de l’obscurité du bas à la lumière du haut. Cette impuissance est traduite par opposition entre les 2 mondes : le Christ seul élevé dans sa gloire, formant avec Elie et Moïse, un cercle parfait et lumineux contre la foule nombreuse, désordonnée qui manifeste sa faiblesse .

Peut-on lire la crise de l'enfant comme une autre transfiguration ? Cet enfant dont les yeux pourraient exprimer une sorte d’extase, de vision donnée par la transe… l'enfant serait le seul à « voir » la Transfiguration du Christ. Mais le texte parle de transe démoniaque et non divine, et le peintre représente cette dernière tout en douceur, lumière et rayonnement, alors que celle de l'enfant est déformation, violence et agitation.

La scène du haut comporte à droite deux petits personnages qui sont en train de prier. Ce sont deux saints dont la fête tombe le même jour que celle retenue pour la Transfiguration, le 6 août. Ces saints sont les seuls à voir la scène, comme nous, ils sont en adoration et nous servent donc de relais, ils nous invitent à faire de même « Les 2 mondes, humain et divin restent contradictoires mais ils entrent en relation, douloureuse et violente chez les 3 apôtres, calme et béatifique chez les 2 saints » écrit Daniel Arasse

Mais pour quelle raison le peintre a-t-il donné une description aussi exceptionnellement exacte de la maladie dans un tableau d'autel qui répond avant tout à des fonctions dévotionnelles et liturgiques ? Selon toute probabilité, Raphaël voulait donner une image aussi frappante que possible de la « maladie » de l'Eglise et suggérer que seule la foi, symbolisée par les deux petits personnages en prière, parviendrait à guérir cette « maladie ».

De quelle maladie peut-il s'agir ? Le tableau a été commandé en 1517 par Julien de Médicis, un cardinal humaniste et chrétien fervent, il le voulait pour la cathédrale de Narbonne, dont il était archevêque. L'œuvre a été terminée par Raphaël juste avant sa mort en 1520. La date de 1517 suggère que la « maladie » est celle de la contestation de Luther, dont les thèses sont publiées cette année là. Les catholiques ( à droite) doutent et s'interrogent sur la voie à suivre ; ils se tournent vers les apôtres( à gauche) qui symbolisent le clergé. Un apôtre ( en rose) donne la réponse en montrant le Christ. Les chrétiens doivent faire confiance à l'Eglise et au Pape et donc rejeter la contestation luthérienne. Mais Daniel Arasse fait remarquer que pour un cardinal comme Julien de Medicis, l’important en 1517 c’est plutôt la fin du concile commencé à Pise et terminé au Latran (1510-1517) et qui laisse les mains libres au pape Léon X pour la rénovation de l’Eglise. La scène montre donc une voie à suivre, voie qui hélas ne sera pas suivie, ni par Léon X, ni par Julien de Médicis lorsqu'il deviendra le pape Clément VII entre 1523 et 1534.

La transfiguration Giovanni Bellini (1430-1516). 1480-1485 huile sur toile , 151 cm sur 105. Museo e Gallerie Nazionale di Capodimonte – Naples.

 

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Quel contraste avec la représentation de Raphaël.
Ni vent, ni nuée , ni lévitation, Jésus est habillé couleur du ciel, mais la lumière ne vient pas sur lui, ni de lui, elle est partout dans la scène, qui se passe dans un belle campagne italienne. La théophanie a lieu dans le quotidien de la vie ordinaire, au pied des montagnes et non sur la montagne. Le paysage montre une scène champêtre, une abbaye, un château…une ville peut être.

 

Les 3 apôtres sont à terre mais sans rapport avec l'événement qu'ils voient. Ils sont très différenciés du point de vue des âges, représentent ils les 3 âges de la vie ? Insouciance de Jean à droite, appréhension de Jacques à gauche, et confiance du vieux Pierre au centre ?

 

Jésus est comme une icône, représenté frontalement il interpelle ceux qui le regardent, et donc nous. Mais entre lui et nous, il y a un fossé profond et une barrière, nous sommes tenus à l'écart. Une scène qui se passerait au quotidien mais pas le nôtre ? Certains voient dans le rocher, le tombeau du Christ, est-ce la mort et la résurrection de Jésus qui nous séparent de lui ? Cette idée de résurrection se retrouve dans le paysage, à gauche l’hiver sombre et nu, et à droite, le printemps clair et feuillu. Donc la lecture de gauche à droite est une résurrection.

 

Une transfiguration “humaine”, une absence de séparation entre le ciel et la terre, une invitation à vivre la résurrection.

La Transfiguration par Barna da Siena  mort en 1380

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Cette image est un morceau de la fresque du Nouveau Testament, dans la collégiale de San Gimignano, le peintre est peu connu, c'est un rare survivant de la grande peste de 1348

qui décima les artistes.

 

Cette fois on est en pleine théophanie, Jésus avec son livre, bénit comme le Christ pantocrator, il est placé dans une sorte de mandorle, la lumière vient du Christ et se diffuse dans la nuit. On dirait la nuit de Gethsémani, mais en même temps Jésus annonce la résurrection

 

Elie, Moïse regardent Jésus et le prient, parmi les apôtres Pierre a la même attitude que Moise, il acquiesce parfaitement, Jean est aveuglé, Jacques renversé.

 

Le peintre a été marqué par Byzance, par les théophanies orientales. La transfiguration y est vue comme annonce de la Résurrection, mais aussi comme une annonce du retour du Seigneur.

 

12 ste_catherine.jpgCette mosaïque de 565 se trouve au monastère Ste Catherine au Sinaï. Le Christ est en lévitation mais sans vrais repères spatiaux, il est au centre d'une mandorle en oeuf. Elle est étrangement plus sombre vers le Christ que vers extérieur, car selon les orientaux la lumière divine excède la vision humaine, elle devient obscurité pour nos sens

 

 

 

 

 

Cette célèbre mosaïque de St Apollinaire in Classe à Ravenne, date aussi de la moitié du 6ème siècle.14  RAVENNE TRANFIGURATION.jpg

C'est bien la croix qui est signe de victoire et de résurrection dans le cercle parfait du ciel étoilé, mais où voit-on une transfiguration ?

 

Au milieu d'un ciel d'or parcouru par des nuages, s'inscrit un grand disque bleu semé d'étoiles qui entourent une grande croix centrale constellée de pierres précieuses avec en médaillon central, la tête du Christ. L'image de la croix matérialise la présence directe du Christ car dans cetart le signe s'identifie à celui qu'il représente. Des nuages sort la main du Père qui désigne le Fils.

 

 

15 Transfiguration_La_Croix_salut_pour_le_monde_Basilique_de_Saint-Apollinaire-in-Classe_a_Ravenne_vers_550.jpeg.jpgLe sommet de la croix est surmonté d'une inscription grecque IXΘUS qui signifie "Poisson", initiales des cinq mots grecs : " Jésus Fils de Dieu Sauveur". Alpha et Omega, début et fin de l'aphabet grec, sont de chaque côté de la croix.

Dans les nuages, de chaque côté de la croix, les figures d'Élie et de Moïse. Leur présence témoigne de la signification de la scène, quant aux apôtres Pierre, Jean et Jacques, ils sont symbolisés par les trois agneaux, qui en-dessous, regardent la croix. 

 

 

 

 

 

C'était la représentation de la Transfiguration entre vision théologique, mystique et narrative

 

Evangile selon Luc 9, 28-43
Environ huit jours après qu'il eut dit ces paroles, Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il monta sur la montagne pour prier.
Pendant qu'il priait, l'aspect de son visage changea, et son vêtement devint d'une éclatante blancheur.
Et voici, deux hommes s'entretenaient avec lui: c'étaient Moïse et Élie,
qui, apparaissant dans la gloire, parlaient de son départ qu'il allait accomplir à Jérusalem.
Pierre et ses compagnons étaient appesantis par le sommeil; mais, s'étant tenus éveillés, ils virent la gloire de Jésus et les deux hommes qui étaient avec lui.
Au moment où ces hommes se séparaient de Jésus, Pierre lui dit: Maître, il est bon que nous soyons ici; dressons trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. Il ne savait ce qu'il disait.
Comme il parlait ainsi, une nuée vint les couvrir; et les disciples furent saisis de frayeur en les voyant entrer dans la nuée.
Et de la nuée sortit une voix, qui dit: Celui-ci est mon Fils élu: écoutez-le!
Quand la voix se fit entendre, Jésus se trouva seul. Les disciples gardèrent le silence, et ils ne racontèrent à personne, en ce temps-là, rien de ce qu'ils avaient vu.

 
Le lendemain, lorsqu'ils furent descendus de la montagne, une grande foule vint au-devant de Jésus.
Et voici, du milieu de la foule un homme s'écria: Maître, je t'en prie, porte les regards sur mon fils, car c'est mon fils unique.
Un esprit le saisit, et aussitôt il pousse des cris; et l'esprit l'agite avec violence, le fait écumer, et a de la peine à se retirer de lui, après l'avoir tout brisé.
J'ai prié tes disciples de le chasser, et ils n'ont pas pu.
Race incrédule et perverse, répondit Jésus, jusqu'à quand serai-je avec vous, et vous supporterai-je? Amène ici ton fils.
Comme il approchait, le démon le jeta par terre, et l'agita avec violence. Mais Jésus menaça l'esprit impur, guérit l'enfant, et le rendit à son père.

 

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