Le livre de Judith n’existe qu’en grec, dans la version de la Bile dite de « la septante », c’est pourquoi il ne fait pas parti du canon de la Bible juive ni des bibles protestantes. Pour une introduction et un résumé voir
http://introbible.free.fr/p2jdt.html
Pour une lecture complète voir http://bible.catholique.org/livre-de-judith/4147-chapitre-1
La représentation de Judith tuant Holopherne est toujours violente, parfois difficilement soutenable.
1 LA JUDIH DU CARAVAGE 1571-1610
Tableau de 1598-1599, huile sur toile, de 145x195 cm, Galerie d’Art Antique à Rome.
Le naturalisme du Caravage éclate dans cette scène.
La scène se passe dans la tente d'Holopherne, le général qui dormait est tiré par les cheveux et a la gorge tranchée par l'épée que tient Judith, à droite une vieille servante tient un sac pour recueillir la tête coupée.
Les couleurs sont peu nombreuses. Le décor est quasiment invisible, sauf un rideau rouge, suspendu et qui par sa forme et sa couleur, ressemble à un rideau de théâtre.
La principale opposition concerne l'ombre et la lumière.
Le clair obscur est violent. Cela est très sensible pour le corps d'Holopherne qui est ainsi véritablement coupé en plusieurs morceaux par la lumière avant de l'être réellement par le glaive.
La lumière est signe de la présence ou de l'action divine, elle vient de gauche et de très haut éclairant presque verticalement l'épaule de l'homme et le buste de la femme. Judith est éclairée par Dieu, ses bras guidés par Lui, elle tranche la gorge d'Holopherne qui est plongé dans l'obscurité, mais pas totalement car tout homme a une part divine. Judith n'est d'ailleurs pas totalement lumineuse non plus, son buste sort de l'ombre, c'est son geste qui est lumineux, son visage aussi car sa détermination est fondée sur sa foi.
Quatre éléments semblent former un vrai instantané, mais ne sont qu'une reconstruction du peintre : le visage d'Holopherne hurlant de douleur, les yeux révulsés, essaie de voir ce qui se passe, ses mains prennent appui pour se relever, sa tête déjà à moitié coupée, vacille..
Le visage de Judith est tendu, une ride au milieu du front pour marquer un certain dégoût, qui est sensible aussi par la distance qu'elle garde par rapport à Holopherne. Quant à la servante son visage exprime la stupéfaction par les yeux et le dégoût par la moue, ses mains semblent prêtes à se saisir de la tête, ou plutôt à recevoir cette tête que Judith va lui tendre.
Le peintre traduit particulièrement bien deux expressions de la prière de Judith, « jette un regard sur l'oeuvre de mes mains » et « fortifie moi »au v. 7. .
En conclusion on peut dire que ce tableau oppose la fragilité de la pure et pieuse jeune veuve à la force bestiale et lubrique d'Holopherne. Dans la bible, la veuve est toujours une femme faible qu'il faut protéger, mais ici, elle va se révéler être plus déterminée et forte que tous les hommes de Béthulie. Forte, mais de la force de Dieu, qui agit à travers l'action de Judith, il intervient en lui donnant la force, le courage, la détermination, Il intervient en rendant temporairement impuissant le général aviné (mais cela n'est pas sensible dans l’œuvre), et l'impossible se réalise, la femme frêle tue l'homme brutal avec sa propre arme, elle vainc par ruse et détermination et elle sauve son peuple. Par là elle rejoint David tuant Goliath et comme lui elle peut rentrer chez elle avec la tête de l'ennemi du peuple. Victoire de la piété et de la foi d'une seule, qui permet de libérer tout le peuple
2 JUDITH VUE PAR DES FEMMES
Les Judith d’Artemisia Gentileschi (1593-1654)
Judith et Holopherne, vers 1612-1614 Huile sur toile - 159 x 126 cm Naples, Capodimonte, Cette version est la seconde, un peu assagie par rapport à l’ouvre de Florence.
Artemisia a souvent représenté Judith, au moment de la décapitation mais aussi dans d’autres moments, avec sa servante. On a souvent mis en relation cela avec la vie personnelle de l’artiste, qui fut violée par son maître puis dut subir un procès honteux et pénible. Mais d’autres femmes peintres ont aussi traité ce sujet, le fait de choisir une femmes forte, indépendante voire violente, manifestant une sorte de revanche féminine face à l’exclusion sociale auxquelles on voulait condamner les femmes peintres.
Judith tuant Holopherne a été représenté deux fois. La première version, celle de Florence est particulièrement violente, celle de Naples, un peu moins.
Artemisia s’est inspiré du Caravage, mais en changeant de format, elle densifie l’action. Les forces sont descendantes, les femmes se mettent à deux, la tête d’Holopherne est toujours au centre (à Florence) mais elle est tout en bas, le corps renversé. La force conjointe et la détermination des 2 femmes renforcent le caractère féministe de ce tableau. Le décentrage de la version de Naples et les riches vêtements de Judith, atténuent un peu la violence.
Judith et sa servante Abra avec la tête d’Holopherne, vers 1640-1645 Huile sur toile - 235 x 172 cm Cannes, Musée de la Castre
Judith et sa servante Abra avecla tête d’Holopherne, 1617-1618 Florence, Palazzo Pitti, Galleria Palatina
Voici 2 œuvres celle da gauche date de 1625, elle est à Detroit, la seconde date de 1618, elle est à Florence-Pitti. La décapitation terminée, les 2 femmes quittent la tente, en éteignant la bougie, puis en écoutant les bruits. Cela donne une idée de la volonté narrative d’Artémisia. Deux choses me frappent : le port maladroit de l’épée, Judith ne sait pas quoi en faire. Et aussi le regard : Dans celui de gauche, Judith, cache la lumière pour mieux regarder le casque d’Holopherne, il est coupé sur la reproduction mais bien visible sur l’original, le signe de sa puissance, devient un objet de dérision, un signe de la victoire de Judith. A droite les 2 femmes regardent l’obscurité, elles se retournent pour entendre et voir, quoi ? un signe de Dieu ? Dans les 2 cas la solidarité est grande entre maîtresse et servante, ce qui est assez original.
Judith de GIULIA LAMA 1681 1747 Venise
Femme peintre très active à Venise. Une adepte du clair obscur
Cette fois, le corps d’Holopherne est exposé, celui d’un mort ? celui d’une victime sacrifiée ? La lumière créé un drame, elle a déjà mis la tête dans l’ombre, comme si elle était coupée.
Judith est en prière, la prière avant l’exécution mais l’absence de l’épée rend la scène douce, on pourrait croire à une veillée funèbre. Judith regarde le ciel et ses mains se joignent, celles qui prient vont devenir celles qui tuent. Que demande Judith ? la force ? ou que la décision s’éloigne ?
3 JUDITH LA JUSTICIERE
Lucas CRANACH l’Ancien 1472 – 1553 a peint toute une série de Judith, toujours dans la même position, seul le vêtement et le visage changent.
Fière de son acte la Judith de Cranach n’a aucun remords. L’épée fièrement dressée dans sa main droite, la main gauche crispée pour tenir la tête tranchée de celui qu’elle vient de tuer, elle apparaît comme la "justicière" qui n’a fait que son devoir. .
Dans le contexte des années 1530 Cranach le peintre du duc de Saxe, représente Judith comme une riche patricienne saxonne, Cranach le luthérien fait de Judith un symbole de la résistance contre l’empereur catholique. Une résistance qui sera victorieuse.
Valentin de Boulogne (1591-1632) 1626
La justicière a air farouche, le visage défait par son action, mais elle marche vers l’avenir et en appelle au Ciel, pour nous montrer qu’elle a fait justice.
Trois verticales et une diagonale, négative c’est la punition du Ciel, qui s’est abattu sur Holopherne
Opposition entre la beauté de Judith et la laideur de la tête d’Holopherne. Le geste est terrible, il ne montre aucun respect envers le mort, Bien que douce par le regard, elle écrase l’hydre, elle est une sorte de St Michel.
4 JUDITH LA SENTIMENTALE
VERONESE
Judith et Holopherne 1581 Huile sur toile, 231,5 x 273,5 Kunsthistorischesmuseum, Vienne
Judith a relevé la tête pour faire face à sa servante, mais son regard se perd dans le vague. Dans le triangle qui relie les trois visages de cette œuvre s’inscrit toute son intensité dramatique.
La tendresse dans la façon dont ses paumes caressent la tête qu’elles tiennent et semblent attirer contre la poitrine de la meurtrière. L’arrondi sensuel de ses bras confirme ce sentiment ; nulle raideur, nulle crispation dans l’attitude de Judith ; la criminelle a les mêmes gestes que l’amante. Par ce choix de composition, Véronèse nous entraîne dans une méditation sur l’ambiguïté de la nature humaine.
Comment ne pas être profondément touché par ce regard perdu, mouillé de larmes, aux paupières légèrement baisées ?
Bernardo CAVALLINO 1616 1656 Musée National, Stockholm
Judith a perdu de sa superbe, c’est une femme simple sans bijoux, elle nous regarde, elle nous prend à témoin, elle exprime la douleur , elle tient son épée basse, elle exprime un sentiment de détresse, de compassion ?
Le clair obscur la partage, met en lumière Holopherne